Chez Contretype à Bruxelles, les gosses des rues de Bamako vus par Arnold Grojean et surtout par eux-mêmes
Chez Contretype à Bruxelles, les gosses des rues de Bamako vus par Arnold Grojean et surtout par eux-mêmes
Publié le 08-04-2019 à 16h36
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Chez Contretype à Bruxelles, les gosses des rues de Bamako vus par Arnold Grojean et surtout par eux-mêmes. Les photographies en grand format d’Arnold Grojean exposées en ce moment dans la première salle de Contretype à Bruxelles sont magnifiques. Ce sont des portraits d’enfants africains pris sur fond noir - celui de la nuit en extérieur - sous des lumières de studio. Chacun d’eux révèle des personnalités singulières à travers de nombreux détails modelés par l’éclairage sophistiqué, mais aussi et surtout à travers les expressions et les attitudes de ces mômes peu souriants. Oui, ce sont de superbes images, mais ce serait trop peu dire au vu de ce qu’elles recèlent.
Addiction

Pour le comprendre, il faut passer dans une deuxième pièce où une dizaine de carnets sont mis à la disposition du public. Ils rassemblent eux-mêmes des photographies - bien moins élaborées, mais ô combien précieuses ici - réalisées par ces enfants pour raconter leur vie quotidienne de gosses abandonnés dans les rues de Bamako. Ce sont bien ces témoignages (pour une part écrits) qui confèrent toute leur force aux splendides images de la première salle. Ils étaient d’ailleurs le point de départ de ce projet commencé en collaboration avec l’association Sinjiya-ton Mali, à savoir un atelier photo permettant à des gamins âgés de 11 à 16 ans de montrer très directement ce qu’ils endurent chaque jour et chaque nuit. On y découvre des situations dramatiques pleines de violence - la drogue, l’exploitation sexuelle… - mais aussi des choses surprenantes comme ce qu’il faut bien appeler une addiction à la rue et particulièrement à la liberté qu’elle donne, même si c’est au prix fort. "On dirait qu’une fois que tu as commencé à être à la rue, c’est rentré dans ton sang. Tu ne peux plus t’en passer", écrit Kalilou. Ce que confirmait Arnold Grojean dans une interview aux Inrockuptibles en citant un éducateur avec lequel il travaillait : "Tu vois, ces enfants, ils sont dans la rue, ils vivent des choses très difficiles, et pourtant, si tu les mets dans une famille de riches Maliens, où ils auront tout ce qu’ils veulent et seront des enfants gâtés, eh bien tu verras qu’ils retourneront quand même dans la rue."
Ceci dit, il y a peu de chance qu’ils soient un jour adoptés si l’on en croit la déconvenue de l’auteur qui s’est vu reprocher par un commissaire de police d’avoir voulu défendre un gamin battu par un adulte : "Il disait que les enfants des rues, c’était de la vermine. Il ne comprenait même pas pourquoi je m’étais interposé."
À noter que tout cet appareil critique de témoignages éclairant le splendide travail de portrait est lui-même complété par un carnet de contextualisation, une sorte de lexique en l’occurrence bien nécessaire. C’est dire la qualité documentaire extraordinaire de ce travail on ne peut plus participatif. Un modèle du genre.

Koungo Fitini (Problèmes mineurs) d’Arnold Grojean Photographie Où Contretype, Cité Fontainas 4A, 1060 Bruxelles. www.contretype.org Quand Jusqu’au 26 mai, du mercredi au vendredi de 12 à 18h, samedi et dimanche de 13 à 18h.