"Claude et Lilly", de Vincen Beeckman : quand les sentiments sont préférés aux bons sentiments
Il faut d’abord dire ce que les photographies de Vincen Beeckman exposées en ce moment chez Cerami ne sont pas. Il le faut car ces images qui nous montrent un couple d’amoureux à des moments et des lieux différents méritent un regard tout autre que compassionnel.
- Publié le 10-04-2019 à 18h41
- Mis à jour le 10-03-2021 à 16h06
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Il faut d’abord dire ce que les photographies de Vincen Beeckman exposées en ce moment chez Cerami ne sont pas. Il le faut car ces images qui nous montrent un couple d’amoureux à des moments et des lieux différents méritent un regard tout autre que compassionnel.
Et cela même si l’on se rend compte assez rapidement - par des détails, car les cadrages sont plutôt serrés - que Claude et Lilly, les deux protagonistes, vivent dans la précarité.
Rencontre
Et donc il faut dire avec insistance que ces portraits réitérés entre 2015 et 2018 ne forment pas un quelconque reportage social pour nous sensibiliser à la détresse des gens de la rue. Pas plus qu’un documentaire au long cours qui nous démontrerait au détour le savoir-faire du photographe en immersion.
Non, en fait, l’ensemble de ce travail est avant tout le récit d’une rencontre. Avec, au départ, un photographe qui promet à deux personnes sans abri de revenir leur donner la photo qu’il vient de faire d’eux. Avec, par la suite, une histoire qui s’intensifie de portrait en portrait durant trois ans, jusqu’au décès de Lilly.
Cela aurait pu donner une série pleine de bons sentiments, mais comme à son habitude, Beeckman préfère aller à l’essentiel en resserrant le propos aux seuls sentiments : "La répétition fait que tu es proche d’eux et que tu les vois évoluer dans le temps. Et puis, tu vois que c’est difficile. Mais il y a toujours cet amour qui reste. Et après, tu ne vois plus que ce sont des sans-abri. Vu qu’il n’y a pas le décor derrière. Tu vois un peu leurs vêtements qui ne sont pas toujours nickels. Tu sens quelque chose, mais si tu ne dis rien, tu peux dire que c’est juste l’amour. Le point de départ, c’est l’amour. Malgré qu’ils sont dans la rue. Malgré les difficultés d’alcool, de drogue, de vol, et de violence. Ils trouvent un petit espace, un petit studio de temps en temps. Mais oui, l’amour reste toujours présent."
À la galerie Jacques Cerami, les tirages 40 x 60 cm sont exposés en rangs serrés, sans cadre, sans ostentation en fait. Cette simplicité souligne, comme le dit Colin Pantall dans le livre Claude&Lilly qui vient de paraître, que "ce sont des images d’amour, de petites séquences d’affection, de toucher, de tenir, de s’embrasser et d’être ensemble les uns avec les autres".
Et effectivement, que ce soit dans l’exposition ou dans le livre, photo après photo, l’impression du couple fusionnel s’impose, faisant oublier 23 ans de galères. Et cela est d’une justesse réjouissante.

"Claude et Lilly" de Vincen Beeckman Photographie Où Galerie Jacques Cerami, route de Philippeville, 346, 6010 Charleroi-Couillet. www.galeriecerami.be Quand Jusqu’au 4 mai, du mercredi au vendredi, de 14h à 19h et le samedi de 11h à 18h.