Á 96 ans, Micheline Boyadjian a fui le monde
Publié le 30-07-2019 à 09h51
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La plus grande peintre naïve du pays s’est éteinte dans un sourire.Micheline Boyadjian a estimé hier qu’elle avait assez vécu. Modeste jusque dans le souci de laisser place nette à d’autres, elle a, à 96 ans, fatiguée, vieillie, malade et retirée du monde, estimé qu’il y avait un temps pour tout et que, sa vie nourrie longtemps d’éblouissements, il était temps pour elle de rejoindre, dans l’infini et pour toujours, son cher Noubar qui lui avait si bien mis le pied à l’étrier.
Depuis toujours reconnue comme la plus grande peintre naïve du pays, cette petite femme menue, toujours souriante, miraculeusement restée aussi avenante et presque gamine que la jeune fille amusée qui fit craquer Noubar, alors étudiant en médecine et plus tard cardiologue reconnu, a longtemps pris la peinture à bras-le-corps quand elle composait ses scènes enjouées qui, bien plus que naïves d’ailleurs, recelaient un potentiel métaphysique inédit.
Irréductible exigence
Noubar Boyadjian qui aimait les arts populaires, les cœurs, les images votives (bien que mécréant), tout ce qui évoquait la vie calme et généreuse de solitaires inspirés, l’encouragea, en effet, à peindre. Et il fit si bien qu’en moins de deux, elle s’érigea en maîtresse artiste allant son chemin en belle avant-gardiste de son créneau plastique. La femme se révéla à l’aune de l’artiste : d’une irréductible exigence, d’une probité, d’un allant et d’une indépendance sans pareils.
Mais elle avait besoin d’un bâton de maréchal à même de l’encourager. Tant et si bien que Noubar parti le premier, il y a près de vingt ans, elle rangea aussitôt ses pinceaux et se mit à vivre loin de la peinture, en charmante dame éprise de curiosité et de l’affection de quelques proches. Elle allait de son pas menu et tranquille.
Devenue veuve, elle compléta les dons aux musées entrepris par Noubar. Les cœurs confiés au Musée du Cinquantenaire (Musée du Cœur Boyadjian), elle s’enquit d’une institution à même d’accueillir leur remarquable collection d’un peu de ce tout qui ait du charme. Par l’entremise d’Ignace Vandevivere, dont elle appréciait le sens du dialogue artistique entre des œuvres d’époques et obédiences très diverses, elle élut le Musée de Louvain-la-Neuve, auquel elle confia aussi sa propre œuvre peinte, patrimoine subtil, enchanteur.
La petite grande dame s’en est allée, mais son passage sur terre préserve un bel avenir enchanté à qui s’émeut de la vérité d’un couple fusionnel.Roger Pierre Turine