A la découverte de l'art... sans les yeux
Pour la nocturne de ce soir, à Bruxelles, le musée Braille propose de rendre l’art accessible, les yeux bandés.
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Publié le 14-11-2019 à 15h42
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Pour la nocturne de ce soir, à Bruxelles, le musée Braille propose de rendre l’art accessible, les yeux bandés. Les nocturnes bruxelloises, c’est encore deux jeudis soirs. Face à la folie des propositions, La Libre est allée tester ce qu’il ne faudra pas rater. Ce soir, ce sont les activités proposées au sein du musée Braille de Bruxelles. L’entité muséale associée à la Ligue Braille, sise près de la gare du Midi, invite les visiteurs à une expérience sensorielle d’un art dématérialisé à notre regard.
Au milieu de la pièce, une toile encadrée, mais qui, curieusement, tourne le dos au public. On crèverait d’envie de la retourner mais ce n’est pas du jeu, voir serait trop facile. Sur des tonalités musicales qui invitent à se focaliser sur l’enjeu, sont posés des propos descriptifs qui dessinent, en suivant le contour des mots, la silhouette d’un portrait peint sur le tableau qu’on ne voit pas.
Ainsi plongée dans l’exercice, on se rend compte de l’attention qu’il faut pour ne pas s’évader ou vagabonder à ces pensées durant cette visite guidée sans les yeux. "J’ai besoin de tous les détails donnés pour comprendre", raconte Khadidja, bénévole de la Ligue Braille et animatrice de la nocturne. Et nous qui n’avions pas été assez attentive au début, on aura, au final, une perception parcellaire du tableau ! "Mais ce n’est pas grave, de ne pas tout voir, tout le monde a son point de vue sur une œuvre", poursuit la bénévole.
L’histoire d’un langage
Khadidja est aveugle, mais croyez bien qu’elle vous donne à voir. Dans ses pas, au musée Braille, on comprend l’histoire de cet alphabet inventé par Louis B., à partir d’un alphabet phonétique fait de points en relief et originellement inventé pour des communications militaires de nuit. Le musée ne fait pas l’économie d’objets du quotidien tout à coup insolites pour qui voit sans se poser de questions. Comme ce curieux verre mesureur de cuisine, dont la graduation est - astucieux ! - à l’intérieur du pot, pour tâter la hauteur du liquide.
Le cinéma dans les oreilles
L’histoire de ce jeudi ne s’arrête pas là. Les visiteurs fermeront les yeux pour découvrir un film en audiodescription. Cette technologie - désormais utilisée pour traduire les spectacles d’opéra ou de théâtre - naît à San Francisco dans les années 1970, sous l’impulsion de Gregory Frazier, qui est habitué à décrire à son ami aveugle les scènes muettes du Train sifflera trois fois. Son travail sur le handicap reçoit un intérêt marqué lorsque le frère de Francis Ford Coppola, Auguste, prend la tête de l’université dans laquelle Frazier travaille. Quand, en 1988, le premier film en audiodescription sort, il s’agit de Tucker, de Coppola réalisateur, appuyé par Coppola recteur. Une première qui ouvre la voie à une pratique que le cinéma développe à l’heure actuelle, bien que de manière confidentielle.
Soirée à tester absolument (on dansera, on peindra aussi). Pour voir d’un autre regard.
Brussels Museums nocturnes, jusqu’au 5 décembre, le jeudi soir. Ce soir, le musée Braille, le Musée de la médecine de l’ULB, la maison Erasme, le Musée de la résistance de Belgique. Infos : museumnightfever.be