Bai Ming marie brillamment tradition chinoise et modernité
Au Centre Keramis à La Louvière, très belle exposition de Bai Ming, grand céramiste et peintre chinois.
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- Publié le 15-11-2019 à 17h39
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Au Centre Keramis à La Louvière, très belle exposition de Bai Ming, grand céramiste et peintre chinois.
Les artistes chinois actuels sont partout, mais peu réussissent comme Bai Ming à marier la tradition chinoise de la céramique et l’art contemporain. Une très belle exposition de ses oeuvres s’est ouverte à La Louvière au Centre Keramis.
Il est né en 1965 à Yugan, près des anciennes manufactures impériales de porcelaine de Jingdezhen. Sa date et son lieu de naissance ont sans doute déterminé sa singularité. Après une formation en peinture à l’académie des Beaux-Arts de Pékin, il se passionne pour la céramique et l’héritage de la tradition chinoise tout en pratiquant en parallèle, la peinture, le dessin à l’encre sur papier, ou à l’encre combinée au thé, ou à la poudre d’encens, et plus récemment une étonnante peinture à la laque.
Né juste avant la révolution culturelle qui a voulu détruire le patrimoine ancien, nourri aussi par les philosophes chinois chers à son père, il veut, par son art, rappeler ce patrimoine séculaire de la Chine. Son art consistera alors à marier « une tradition réinterprétée » et « une modernité inventée » comme le dit Christine Shimizu, la commissaire de cette expo.
Il avait découvert l’art moderne occidental lors d’un séjour aux Etats-Unis dans les années 90 et fut impressionné par des artistes comme Duchamp, Fontana et surtout Tapies.
D’autres artistes chinois de la génération précédente comme Zao Wou Ki, eurent un parcours semblable.
L’exposition est présente par thèmes: la mémoire de l’histoire, les dialogues avec la nature ou avec la paysage.
La beauté dans la nature
Jingdezhen a été depuis 2000 ans un centre de la porcelaine. C’est là qu’au 13e et 14e siècles, on inventa la peinture sur porcelaine avec le bleu de cobalt et le rouge de cuivre. Bai Ming bouscule les motifs anciens, renouvelle les formes tout en évoquant l’art ancien des grottes le long de la route de la soie avec des «briques » de céramique aux veines colorées comme du marbre, ou avec l’équivalent des rouleaux des lettrés trouvés dans les grottes de Dunhuang. Il le fait en céramique craquelées et peintes, ou en dessinant à l’encre des empilements de manuscrits. La céramique quitte résolument l’utilité de l’objet pour devenir chez lui, sculpture.
Ce mariage entre tradition et modernité est particulièrement réussi dans ses dialogues avec la nature (il n’y a jamais chez lui de représentation humaine). Il exprime la philosophie taoïste de la beauté dans la nature, la poésie du vent, des herbes, des montagnes, ou de ces pierres sculptées par le temps et dont les Chinois raffolent.
On admire alors de superbes vases couverts de fines lignes d’eau, sinueuses comme les vagues sur une mer, ou d’autres, « chant du vent dans les roseaux », avec des fleurs et herbes couchées par le vent. Parfois il sort de Chine en évoquant le paysages de la mort Rouge. D’autres vases sont cerclés d’un bord doré.
Réaliser des vases de dimensions aussi grandes exige une technique parfaite car à la cuisson le vase se rétracte de 18 %.

Plus récemment il a laissé la « terre vibrer », comme il le dit, faisant se déformer, se fissurer la céramique et prendre des formes chaque fois originales. Une installation montre 90 bouteilles toutes formées au départ d’une même forme mais changées et rendues uniques par la cuisson et les motifs.
Ses céramiques sont sans cesse en résonance avec ses peintures et dessins, toujours abstraits mais qui possèdent les mêmes énergies que ses céramiques.
C’est un miracle que cette exposition ait lieu, car comme on le sait, le beau Centre Keramis a de grandes difficultés à boucler son budget, il a dû licencier, la Communauté française ne lui ayant jamais accordé, dit-il, le budget de fonctionnement nécessaire.
Si cette expo prestigieuse a quand même lieu c’est grâce à des mécènes belges et chinois, grâce aux « amis de Keramis » et grâce à l’appui de l’artiste lui-même. Mais pour Ludovic Recchia, le directeur de Keramis, tant que rien ne bouge, aucun exposition future n’est programmée.
Bai Ming, vibrations de la terre, Keramis centre de la céramique, La Louvière, jusqu’au 15 mars