Retour en force des cabinets de curiosités, signe des temps
« Memento Mons », au BAM, est un très beau cabinet de curiosités plein de surprises et d’émerveillement.
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Publié le 17-11-2019 à 09h41
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« Memento Mons », au BAM, est un très beau cabinet de curiosités plein de surprises et d’émerveillement.
Est-ce du design ? Est-ce de l’art ? Est-ce un clin d’œil surréaliste ? Ou, est-ce plutôt une réflexion sur le temps qui passe et notre mort future ? Il y a cinq ans, on sortait de l’exposition du Grand-Hornu Images à la fois émerveillé et plein de questions stimulantes. Le duo Sofie Lachaert et Luc d’Hanis y avait monté une magnifique exposition, Tranches de vie.
Designers formés à Anvers, ils collaborent étroitement depuis 25 ans pour concevoir des bijoux, de la vaisselle, des chaises, etc., qui ne ressemblent à rien d’autre et certainement pas à l’idée usuelle qu’on se fait du design.
C’était donc une très belle idée de leur demander de monter cette fois une exposition au BAM (Beaux-Arts de Mons) au départ des collections diverses de la ville. Choisissant les pièces et inventant une belle scénographie (chaque salle est dans la pénombre et reprend un thème), ils en ont fait un cabinet de curiosités contemporain, un Memento Mori, intitulé Memento Mons où cohabitent sculptures du Moyen âge et oeuvres délirantes ou actuelles, objets de la nature et oeuvres d’artistes d’aujourd’hui, design ancien et contemporain, taxidermies et livres curieux.
Pousser les ordures
Les rapprochements font surgir des beautés inattendues, de l’humour, ou au contraire, une réflexion sur la mort à venir, le déclin et la vanité de nos existences.
Ils ont visité les collections de l’Artothèque comme de la cathédrale, y ont ajouté des pièces contemporaines choisies dans la collection à Bruxelles de Galila Barzilaï-Hollander et parmi des artistes soutenus par BeCraft (l’association au Abattoirs de Mons pour les arts appliqués).

Une chaise rongée par le temps, avec des racines (Maddalena Ambrosio), côtoie un bouquet de fleurs faits de composants électroniques (Kristof Kintera). Le designer Maarten Baas a filmé pendant 12h des ouvriers poussant des ordures pour en faire les aiguilles mouvantes d’une montre monumentale qui nous dit l’heure exacte, en réel. Des sabliers géants pleins de semoule donnent un temps aléatoire (Mehdi-Georges Lahlou), une tête coupée et endormie repose sur un pull-over vide (Gil Shachar), des exvotos romains, La mort et le Chevalier en albâtre du XVIe siècle, La vessie du diable, le Singe de Mons, la main en bronze de la grande artiste montoise Cécile Douard, etc. On ne se lasse pas de découvrir ces pièces chaque fois étonnantes.

Retour au complexe
Les cabinets de curiosités reviennent à la mode. Des artistes et collectionneurs ont crée le leur: Antoine de Galbert, Miquel Barcelo, Jacques Attali, Andreas Gursky, Jean-Jacques Lebel. Le Fonds Hélène et Édouard Leclerc à Landerneau vient d’y consacrer une expo avec 1500 pièces.
Ces cabinets étaient nés au 16e siècle, comme les ancêtres de nos musées, des instruments de savoir autant que de plaisir esthétique, au carrefour de l’art et de la science. Mais ils disparurent devant le rationalisme des Lumières et la segmentation des savoirs et des musées. Ils ne suscitaient plus au début du 20e siècle, que l’intérêt des amateurs de bizarre et des surréalistes qui en apprécièrent l’étrangeté et les aspects poétiques.
Mais depuis quinze ans, ils reviennent à l’avant-plan, signe d’une nécessité de retrouver des liens entre la nature et l’homme, de rassembler autrement nos savoirs, de relier arts ancien et actuel, arts nobles et appliqués. Dans nos temps d’incertitude et de sensibilité écologique, la rationalité scientifique et segmentée ne suffit plus et l’homme questionne à nouveau les mystères du monde et du temps. Certains artistes voient leur cabinet comme une riposte au contrôle permanent des identités par les caméras de surveillance ou le stockage des données.
Celui présenté à Mons exprime tout autant la beauté du monde, l’inventivité de l’homme que l’incertitude et la fragilité de l’être sur Terre, rappelle Xavier Roland le directeur du BAM.
Memento Mons, cabinets de curiosités, BAM, Mons, jusqu’au 26 janvier