La mythique collection Herbert, saison II
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Publié le 18-11-2019 à 09h20
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La collection d’Anton et Annick Herbert expose, cette fois, la période 1979-1997. Il y a six ans, la Herbert Foundation , créée à partir de la collection d’art contemporain d’Anton et Annick Herbert, s’ouvrait au public. Un espace industriel rénové de 2 000 m2, sur la "Coupure" le long d’un canal à Gand, pour découvrir, étape par étape, des artistes de cette exigeante mais mythique collection.
Anton et Annick Herbert se sont mis à collectionner les œuvres dans l’esprit de 68, de remise en cause radicale de l’art et de ses fondements. Pour eux, cette époque révolutionnaire et utopique se termina en 1989 avec la chute du mur de Berlin. "Aprè s, il n ’ existe plus de discours intellectuel sur l ’ art, mais juste une récupération par les galeries, une marchandisation dans laquelle on n ’ entre qu ’ avec des moyens importants. La foire de B â le est un salon de la jet-set. Mais il y a un autre public qui nous intéresse : les jeunes, les universitaires, une gé n ération qui veut se documenter, comprendre les questions de l ’ art et leurs liens avec la socié t é . "
La collection forte de 500 œuvres et les archives, aussi essentielles aux yeux des Herbert, se dévoilent peu à peu. Depuis 2013, trois expositions au long cours furent consacrées aux années 1964-1978, de l’art minimal, de l’arte povera, du land art et de l’art conceptuel. Les Herbert entament cette fois une nouvelle série d’expos sur la deuxième partie de leur collection, autour de la chute du mur de Berlin en 1989, des œuvres de 1979 à 1997.
Comme dans les précédentes expositions, ce qui se donne à voir est autant le principe même du collectionneur, son aventure esthétique et intellectuelle, que les œuvres elles-mêmes, par ailleurs importantes et muséales.
La fin des avant-gardes
Cette fois les œuvres sont signées Franz West, Martin Kippenberger, Mike Kelley, Rodney Graham, John Baldessari, Bruce Nauman. Et, au rez-de-chaussée, trois salles sont consacrées chacune aux œuvres d’un artiste : Thomas Schütte, Didier Vermeiren et Jan Vercruysse.
On y suit une étape capitale de la fin du XXe siècle, celle de la fin des courants d’avant-garde, corollaire de la fin des utopies et des idéologies signifiée par la chute du Mur. Chaque artiste devient sa propre avant-garde. Martin Kippenberger intitulait son expo de 1989, chez Gisela Captain à New York (avec une faute d’orthographe volontaire), "Das Ende der Avandgarde ".
"Ce n’est pas nous qui avons décidé du virage de notre collection dans ces années-là, nous expliquent les Herbert. Ce sont les artistes qui décident. La société a alors changé. La chute du Mur a été pour les habitants de l’Est un appel vers la démocratie mais cette démocratie a consisté à reprendre tous les défauts du capitalisme américain. Tous les excès sont alors arrivés avec les conséquences dramatiques qu’on voit aujourd’hui. Nous avons collectionné des artistes autour de 68 et puis autour de 89. On ne collectionne plus ensuite. L’art contemporain actuel a adopté les excès du capitalisme, c’est lamentable, et j’espère que ça va changer. Beaucoup d’artistes actuels regardent avec leurs oreilles, attentives à ce que le marché veut." Anton Herbert admire pourtant un Tino Sehgal qui échappe à toute marchandisation par ses performances, sortant de "l’idiotie de posséder".
Fondation pérenne
"Les artistes autour de 1989 qu’on expose cette fois ont quitté la dématérialisation de l’œuvre pour la rematérialiser. Ils ont quitté le conceptuel pur et dur pour donner leurs messages. Ce sont chaque fois des artistes que nous avons suivis et qui ont brûlé leur vie."
Anton et Annick Herbert ont assuré l’avenir de leur collection (ils n’ont pas d’enfants) en léguant toutes les œuvres et les archives à la Fondation avec les moyens de les pérenniser et une équipe jeune et brillante, afin de continuer ainsi à offrir à tous, et en particulier aux étudiants, un regard capital sur l’art et les artistes de la fin du XXe siècle.
"Nous ne sommes qu’une goutte qui fut témoin de deux époques de l’art, pendant vingt à trente ans. C’est ce témoignage que nous volons faire vivre, ce ne sera pas un mausolée."
Anton Herbert est pessimiste sur le monde actuel mais optimiste en voyant comment tout bouge depuis deux ou trois ans : "Cela me rappelle Mai 68 sous une autre forme. Les jeunes dans la rue ont eu un niveau d’études exceptionnel, mais la société du pouvoir et de l’argent ne leur donne pas de travail, pas d’avenir. Ils veulent participer. Je suis passionné par ce qui va se passer."
On peut faire la visite sur rendez-vous avec un guide-expert et en groupe (en français aussi), ou venir librement une fois par mois, avec guide si l’on veut.
Herbert Fondation, "1979-1997", jusqu’au 7 juin 2020, Coupure links, 627A, Gand. Visite individuelle chaque premier dimanche du mois de 14 h à 17 h (visite guidée à 15 h sans réservation) et des visites sur rendez-vous ou guidées en groupe sur reservation@herbertfoundation.org.