Henri De Braekeleer, le Vermeer moderne
Première expo depuis 30 ans d’un grand peintre faisant la jonction entre tradition et modernité. Au musée Rops.
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Publié le 21-11-2019 à 10h43
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Première expo depuis 30 ans d’un grand peintre faisant la jonction entre tradition et modernité. Au musée Rops.
Cela faisait 30 ans qu’il n’y avait plus eu d’exposition Henri De Braekeleer (1840-1888). Il eut portant son heure de gloire au 19e siècle, peintre alors aimé de la bourgeoisie et collectionné massivement par les musées des Beaux-Arts d’Anvers et Bruxelles. Il était aussi un artiste fort apprécié par Verhaeren, Van Gogh et Rik Wouters.
Le musée Rops à Namur le remet à l’affiche à l’initiative du collectionneur et galeriste anversois Ronny Van de Velde. Une cinquantaine d’oeuvres dont ses tableaux les plus connus, montrent sa place singulière entre la tradition bourgeoise du 19e siècle et les révolutions artistiques qui s’annonçaient.
Emile Verhaeren disait qu’il était « le peintre de la fenêtre ». Les plus belles de ses peintures montrent des intérieurs à Anvers, avec des fenêtres ouvertes sur la ville. Une atmosphère à la Vermeer ou à la Pieter De Hooch qu’il avait découverts aux Pays-Bas. On y voit la rêverie d’une jeune femme regardant par la fenêtre la place Teniers à Anvers, une autre cousant dans sa chambre avec derrière elle, la cathédrale, ou celle qui écarte un lourd rideau de velours pour faire découvrir l’enfilade de la pièce et la vue sur Anvers.

Henri De Braekeleer était issu d’une famille d’artistes, son père Fernand De Braekeleer peignait des scènes de genre et son oncle Henri Leys était peintre d’histoire. Sa technique époustouflante lui donna rapidement la célébrité comme en témoigne cet article d’époque: « Pour lui, la poésie des tons est la vraie lumière, étrange vision qui fait passer toute l’âme et tout la sang de l’artiste dans la richesse et l’harmonie de la couleur vivante. Une vibration intime, extraordinaire, qui prend possession de vous. »
Tel Ensor
Son tableau L’Homme à la chaise, comme assoupi dans un intérieur fastueux, sera vendu bien plus tard, en 1921 pour la somme astronomique pour l’époque de 160000 francs. Un montant à comparer aux 3600 francs annuels seulement que lui donna le marchand d’art Gustave Coûteaux pour s’assurer de recevoir l’intégralité de sa production.
L’exposition au musée Rops préparée par Herwig Todts, spécialiste du peintre au musée d’Anvers, creuse surtout la modernité de l’artiste au-delà de son apparent clacissisme.
De Braekeleer fut tôt influencé par le réalisme de Courbet et s’est mis à peindre les petits métiers d’Anvers. Il comprit aussi qu’un peintre moderne devait renouveler les aspects purement picturaux du tableau. Sa touche se fit plus large, plus impressionniste. Van Gogh n’hésita pas alors à le comparer à Manet. Le groupe des XX à Bruxelles, d’avant-garde, célèbra De Braekeleer en 1887 au salon de Bruxelles en exposant sept de ses oeuvres.
La femme du peuple, Femme assise, ou ses vues de la plage à Heist, sont résolument modernes et rejoignent la modernité d’Ensor comme le fit remarquer Rik Wouters. La lumière joue sur les touches de couleurs, le peintre cherche une réalité plus profonde que la simple reproduction de ce qu’il voit. S’il varie peu dans le choix de ses sujets, il renouvelle résolument sa manière de peindre.

Il connut une mystérieuse fin de vie. De 1877 à 1884, il ne signe plus de tableau, touché sans doute par la maladie ou le spleen et il meurt en 1888 à 48 ans d’une cause restée inconnue.
Henri De Braekeleer, un Anversois vendant à la bourgeoisie francophone bruxelloise, était disait-on « de l’école flamande ». Un qualificatif que Rops rejetait. Ses propos ont une curieuse résonance aujourd’hui que la Flandre parle de créer un « canon » de sa culture » : « Comme chez tous les peuples neufs, on exagère surtout en Flandre le sentiment de cette nationalité panachée. Il n’y a pas au 19e siècle, d’Ecole flamande, disait-il. Il y a en Belgique, des gens qui ont beaucoup de talents et ils sont aussi nombreux qu’ailleurs et d’autres qui n’ont rien du tout et qui sont encore plus nombreux. Sans compter que dans un pays comme la Belgique, où l’étroitesse du territoire a forcé galamment ses habitants à des rapprochements aussi internes que mêlés, il est bien difficile de remonter aux sources. »

>>> Henri De Braekeleer, musée Rops, à Namur, jusqu’au 2 février.