Nature morte et still life
Publié le 21-11-2019 à 13h35 - Mis à jour le 10-03-2021 à 16h06
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PhotoBrussels Festival, une quatrième édition où perce la distinction entre art et photographie. Au beau milieu de l’exposition du PhotoBrussels Festival qui vient de s’ouvrir au Hangar à Ixelles, deux visiteurs constatent : "It looks like a painting." Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment si l’on sait que la thématique de cette quatrième édition est la "nature morte", un genre ô combien pictural apparu au XVIIe siècle et qui a perduré jusqu’à aujourd’hui, fût-ce sous forme de détournements.
Éclectique
Est-ce que ce genre s’est prolongé dans la photographie ? La question est vraiment intéressante dans le cadre de la programmation plutôt éclectique de cet événement car cela oblige à préciser ce que l’on entend par photographie.
Si l’on parcourt les trois étages du superbe ex-hangar avec cette interrogation en tête, on découvrira que s’y joue en fait une confrontation fortuite entre d’une part les artistes qui utilisent la photographie pour son procédé technique et d’autre part les photographes. Les photographes, c’est-à-dire des auteurs qui pensent et réalisent leurs travaux avec les spécificités de leur médium ; à savoir un face à face nécessaire avec le réel qui ancre leur création dans l’expérience directe et qui décrit incidemment leur rapport au monde. Une distinction qui semble suivre celle que donne la traduction de "nature morte" par "still life".
Du côté des artistes photographes, on retrouve des travaux pour la plupart franchement décoratifs. Celui alambiqué d’Ilit Azoulay, celui sobre (et de bon goût) de Véronique Ellena, celui pas sobre du tout de Dan Bannino, celui graphique de Baptiste Rabichon, ainsi que ceux de Tara Selios, Krista van der Niet, Fleur van Dodewaarde, Wim Wauman et Giljung Yoon dont l’esthétique est la préoccupation première. Ajoutons-y dans un registre plus émotionnel, l’hommage à sa mère - sous forme d’un splendide bouquet se fanant en accéléré - d’Erwin Olaf, bien loin ici de sa froideur habituelle.
Du côté des photographes, nous avons des séries d’images qui toutes témoignent non seulement du "ça a été" de Roland Barthes, mais aussi du "j’y étais" inévitable du prélèvement photographique. Connaître ce présupposé rend tout à fait poétiques les vues improbables de la ville par Bert Danckaert et particulièrement touchantes les notes visuelles prises par Vincen Beeckman lors de voyages aux États-Unis. Ceci d’autant plus que les textes de Kasper Demeulemeester qui les accompagnent sont tous inspirés d’un carnet perdu par un voyageur voici une dizaine d’années et qui a été trouvé lors d’un de ces trips. Cela donne également plus de force aux packshots minimalistes réalisés par Jean-Robert Dantou pour questionner les représentations de la folie, aux images séduisantes d’Alice Pallot pour évoquer le danger écologique de mousses artificielles pour fleuristes et aux clichés décalés d’animaux naturalisés de Klaus Pichler tristement considérés par le public lambda comme "plus vrais que nature".
En bref, voilà une exposition fournie et particulièrement soignée prêtant à réflexion et qui donc vaut franchement le détour.
"Still life ?" PhotoBrussels Festival Où Place du Châtelain, 18. www.photobrusselsfestival.com Quand Jusqu’au 21 décembre, du mardi au samedi, de 12h à 18h.
