Tous les enfants sont de grands architectes
L’exposition au Civa, poétique et ludique, explore le lien entre l’architecture et l’imaginaire de l’enfant.
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Publié le 22-11-2019 à 08h51
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L’exposition au Civa, poétique et ludique, explore le lien entre l’architecture et l’imaginaire de l’enfant.
Picasso le répétait: « Dans chaque enfant, il y a un artiste, le problème est de savoir comment rester un artiste en grandissant » et « Quand j'étais enfant, je dessinais comme Raphaël mais il m'a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. »
Le Civa à Bruxelles, centre pour l’architecture, explore cette idée. A l’entrée, il a placé un grand bac à sable pour rappeler aux visiteurs ces temps où, enfants, ils construisaient des châteaux éphémères balayés par les marées. Tout au long du parcours, on retrouve les rêves créés par les jeux de construction et d’anciens jouets venus du beau et méconnu musée bruxellois du jouet.
Chaque fois, un parallèle est fait avec des architectes, montrant deux manières finalement très proches de « faire monde », comme le dit l’exposition, de mettre au pouvoir l’imaginaire.
Comment ne pas voir par exemple, un jouet agrandi dans l’incroyable maison Van Humbeek de Renaat Braem à Buggenhout ? Comment ne pas retrouver les châteaux forts jouets dans le Teatro del Mundo d’Aldo Rossi?

Disposés par chapitres, le parcours est volontairement pointilliste, avec le but d’« enchanter le monde ». On s’amuse ainsi à regarder les détails de la « salle des cabanes ». Tous les enfants construisent des cabanes, ces refuges dans lesquels ils peuvent construire leur monde. Au milieu de la salle du Civa, sont exposées des dizaines de maquettes d’architectes et de cabanes enfantines, parfois grandes comme une petite maison (celle de Pierre Hebbelinck).
Ces liens rejoignent l’enseignement de Maria Montessori qui expliquait que l’éducation d’un enfant passe par des expériences avec son environnement. L’enfant devient alors un petit architecte de son monde. L’expo cite souvent Alice au Pays des merveilles, ou Tagore évoquant « des enfants qui s’ébattent sur les rivages de mondes sans fin. ».
New Babylon
L’exposition rend hommage par exemple à Constant et sa cité idéale de New Babylon, où la vie échapperait aux contraintes des métropoles modernes. Il s’agissait pour lui d'inventer une ville nouvelle, comme Piranèse, ville-labyrinthe, ville flottante. L'idée était née de l'étude du mode de vie des gitans, qui affirment: «Nous sommes le symbole vivant d'un monde sans frontières, un monde de liberté, sans armes, où chacun peut voyager sans obstacles de l'Asie centrale à la côte atlantique, des hauts plateaux d'Afrique du sud aux forêts de Finlande.» Pour Constant, nous serons tous Homo Ludens dans une société sans chefs et sans frontières qui ne serait plus ni socialiste, ni capitaliste, une structure libre, dans un espace libre, où l'homme ne serait plus une bête de travail, mais une créature en constant regroupement et dégroupement, on n'aurait plus besoin de centralisation ni de maîtres, il faudrait juste s'assurer que les idées passent des uns aux autres.
Pour d’autres designers et architectes comme Aldo Rossi (dont on expose une cabine de bains), l’architecture devient un jeu d’imitation et la ville un lieu de mémoire collective.

Cedric Price et Buckminster Fuller viennent appuyer cette idée d’expérimenter le monde et de le reconstruire, dans notre soif inaltérable d’unité avec le cosmos.
Dans un second temps, l’expo procède à l’inverse et montre comment les architectes conçoivent les espaces de jeu des enfants. On y raconte l’histoire de ces lieux devenus plus austères avec l’émergence de consignes de sécurité de plus en plus strictes, abandonnant les étonnantes sculptures-jeux des années 50 et 60.
Aldo Van Eyck en 1962 insistait pour dire que les terrains de jeux publics ne doivent pas être destinés exclusivement à l'enfant mais devenir des lieux attractifs de rencontre pour tous au coeur des villes.
On apprend que la cage à grimper, appelée alors Jungle Gym, fut crée aux Etats-Unis en 1920 avec l’ambition d’aider les enfants à comprendre les maths (chaque noeud de la cage avait ses coordonnées) !
Il y a aujourd’hui 300 plaines de jeux et 140 skateparks dans la région bruxelloise. Mais mal répartis…
Architects at Play, Civa, rue de l’Ermitage, 55, Bruxelles, jusqu’au 9 février.