Le corps humain en ses représentations réalistes
Des années 50 aux États-Unis à aujourd’hui, plongée dans la statuaire anthropomorphe. À Liège.
Publié le 27-11-2019 à 09h22
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Des années 50 aux États-Unis à aujourd’hui, plongée dans la statuaire anthropomorphe. À Liège. Du pariétal au contemporain en passant par l’antiquité, les artistes ont relevé le défi, comme acte créateur rival de la réalité biologique, de la représentation du corps humain. Si la beauté a été recherchée dans une idéalisation de l’humain, les phantasmes, les interprétations oniriques et les féconds imaginaires du post-human ou de la S.F. ont aussi engendré une panoplie infinie d’images dont certaines sculpturales. Dans la prospection d’imitation de la nature humaine confiée jusque-là principalement au marbre, au bronze ou au modelé, l’avènement de nouveaux matériaux tels le silicone, la fibre de verre, la résine de polyester, et autres, ont joué un rôle déterminant à l’approche des années soixante. L’usage de ces matériaux, jumelé à la situation socio-politique de contestation aux États-Unis, à la domination du pop art et à la relégation de l’abstraction, a conduit certains artistes à renouer avec des formes de réalisme au point de rivaliser, jusqu’à la confondre dans ses apparences, avec la corporalité humaine. L’hyperréalisme est en route aux États-Unis. L’expo s’ouvre.
Dénomination bruxelloise
Dans le courant des années cinquante, Georges Segal (USA, 1924) pratique des moulages en plâtre de personnes lambda dans des attitudes ordinaires de la vie courante. Son approche quitte les voies de l’idéalisation et se recentre sur les réalités sociales ordinaires évincées dans les évocations artistiques. Il renoue avec un réalisme qui cible la majorité de la population. À la même époque, un Edward Kienholz (USA, 1927) crée des environnements peuplés de personnages des classes sociales défavorisées. Le point de vue est politique et accusateur. Ces deux artistes pionniers dont seul le premier participe à l’exposition, renversent l’image sociétale des States. Un Duane Hanson emboîtera le pas en forçant la réalisation des personnages jusqu’à la confusion naturaliste. La ressemblance est quasi parfaite jusque dans les détails vestimentaires. De son côté, John DeAndrea réalisera des nus féminins, plus vrais que nature, par le moulage des corps (ce dont on accusa à tort Rodin) et une dextérité picturale restituant l’apparence du vivant jusqu’à s’y méprendre. Le réalisme a repris ses droits artistiques et se recentre sur le corps. Cette nouvelle sculpture, regard sur l’être, sera notamment célébrée à Bruxelles, en 1973, galerie Brachot où naît le terme hyperréalisme prisé par l’Europe alors que les USA préfèrent celui de photoréalisme. Il est dommage que l’exposition n’ait pas pris en compte les sculptures de la même mouvance et qualité du Brugeois Jacques Verduyn (1946), présentes à Bruxelles.
Suite sans fin
Cet hyperréalisme sculptural n’a jamais constitué un mouvement précis et l’exposition montre très bien que les adeptes du départ ont été suivis jusqu’aujourd’hui par des sculpteurs qui ont adapté leur technique et leur propos en tenant compte des nouveautés et du contexte. Qu’il s’agisse de Tom Kuebler (USA, 1960), Carole A. Feuerman (USA, 1945) et sa nageuse, de Paul McCarty, Ron Mueck (Australie, 1958) ou de Daniel Firman (France, 1966) et sa figure de femme à laquelle on aurait avantageusement joint celle imprégnée d’une touchante énergie émotionnelle de Jan Van Oost (Deinze, 1961). Au fur et à mesure le champ de la représentation s’est ouvert, en jouant sur l’échelle (Ron Mueck), sur l’actualité (Peter Land), sur le corps souffrant (Berlinde De Bruyckere), sur l’hybridité (Patricia Piccinini), sur le rapport à la nature (Fabien Mérelle), sur l’humour (Maurizio Cattelan) ou le ludique (Erwin Wurm), voire l’autoportrait qui aurait pu inclure les Fabre et Muyle.
La dernière section de l’exposition, pertinent ajout liégeois à la manifestation itinérante de base, plonge le visiteur dans les réalisations les plus contemporaines avec l’aide des nouvelles technologies. Le corps conservé comme entre vie et mort par Santissimi ou l’illusion du personnage vivant de Glaser/Kunz, ne manqueront pas d’interpeller et de convaincre que la voie n’est pas tarie.
"Hyperréalisme sculpture - Ceci n’est pas un corps", exposition de l’agence Tempora sur le courant artistique hyperréaliste, La Boverie, 3 parc de la Boverie, 4020 Liège. www.expo-corps.be, jusqu’au 3 mai 2020. Du mardi au vendredi de 9h30 à 18h, weekend de 10h à 18h.