Que vaut la 65e Brafa ?
Tenue pour l’une des plus anciennes et belles foires à travers la planète, la Brafa retrouve ses aises à Tour&Taxis.
Publié le 22-01-2020 à 14h35 - Mis à jour le 09-03-2020 à 15h36
Tenue pour l’une des plus anciennes et belles foires à travers la planète, la Brafa retrouve ses aises à Tour&Taxis.
La foire de tous les arts du monde, de toutes les époques, de l’Antiquité à l’ère contemporaine, reprend ses assises en cette fin de janvier 2020.
Qu’en attendre ? Pour Harold t’Kint de Roodenbeke, son Président, la donne est simple : son succès et sa qualité font des miracles chaque année.
Pour son 65e anniversaire, elle se targue de deux événements : une vente caritative, tout au long de la foire, de cinq morceaux du défunt Mur de Berlin. Renseignements sur le site et pendant l’événement.
Second must à l’initiative du galeriste de Knokke Samuel Vanhoegaerden, 20 ans de bons et loyaux services et, pour les fêter, un ensemble solo de James Ensor (1860-1949).
Mort il y a septante ans, Ensor fait toujours figure de précurseur exceptionnel de la peinture moderne en Belgique. Symboliste d’abord, puis avant-gardiste de l’expressionnisme allemand, de Dada, du surréalisme, il fut, durant les vingt premières années de création une sorte de monstre sacré qui n’hésita pas à montrer les dents, à s’avérer facétieux et prompt à la critique des gens de son temps.
Treize peintures et une bonne vingtaine de dessins d’Ensor, fruits de dix ans de quêtes, Vanhoegaerden peut être heureux de son pactole et nul doute que les visiteurs de son stand le seront aussi. Une pièce majeure, bien que tardive, met en scène de jeunes danseuses comme des fleurs.

133 galeries et une vingtaine de registres
Des galeries férues d’Antiquité aux promoteurs de la création actuelle, la variété des genres donne à la Brafa ses allures éclectiques et joyeusement colorées.
Le nombre de marchands et galeristes participants est le même que l’an dernier mais on signale huit galeries présentes pour la première fois et onze retours gagnants (on l’espère !). Tout ce beau monde a été visité par un groupe de cent experts indépendants, gages d’une foire sans honte ni reproches.
Cinquante galeries belges (37 % de l’ensemble), 83 galeries internationales (63 %) et une belle variété parmi celles-ci : 43 françaises, 13 britanniques, 10 italiennes, 8 suisses…
Les invités d’honneur seront cette fois remplacés par l’exceptionnelle vente caritative au bénéfice de, notamment, Télévie, Cap 48 ou Kanker. Prix de départ de chaque morceau du Mur de Berlin : 15 000 euros.
Arts moderne et actuel, arts tribaux
Pas question d’éplucher ici les joyaux des quatre horizons que nous proposent des marchands forcément affûtés ! Mais, de-ci de-là, en fouinant (et nous vous en dirons plus la semaine prochaine après avoir croisé tout cela de visu), nous pouvons vous éclairer quelques pistes.
Et gageons d’emblée que le record de visiteurs - 66 000 l’an dernier - sera battu !
Venues de Paris, Agnès et Odile Aittouarès (Galerie AB-Ba) pourraient attiser vos convoitises avec, entre autres, du très avenant Alechinsky, Venet ou Marfaing.
Associés depuis cette année, Baronian et Xippas annoncent du beau monde avec les Becher, Alighiero Boetti, de Staël, Robert Devrindt, Gilbert&George, Yves Klein ou Takis.
Claude Bernard, fort de son expérience, associe deux peintres qui, chacun de leur côté, ont aimé et apprécient la matière, la peinture à fleur de peau : Eugène Leroy et Ronan Barrot.

Ne pas sous-estimer, brassant les époques, le stand de la Chambre professionnelle belge de la Librairie ancienne et moderne : on y trouve des perles en leurs coquilles.
Venu de Knokke, Patrick Debrock pose un Soulages en exergue. Bien vu pour saluer les 100 ans du peintre français.
Chez Oscar De Vos comme chez Francis Maere, une place est dévolue à l’expressionnisme flamand et il est heureux qu’on ne l’oublie pas. Comme il ne faut pas délaisser les galeries Deletaille et les défenseurs des arts d’Afrique et d’ailleurs, de Didier Claes à Pierre Dartevelle, de Yann Ferrandin à Charles-Wesley Hourdé, Serge Schoffel ou Adrien Schalg : des trésors s’y nichent.
Seule galerie de bande dessinée à l’assaut de la Brafa, Huberty&Breyne affichent Rep, Nicolas de Crécy, Miles Hyman, Loustal, Avril et… Philippe Geluck et Le Chat !
Rodolphe Janssen offre au plaisir des yeux un panel aussi diversifié que choisi. Pris au hasard (tu parles !) Alechinsky, Appel, Bervoets, Delvoye, Geers, Landers, les Tobias et Wuidar pour un salmigondis.
Mentor de l’ensemble, Harold t’Kint a, à chaque fois, un stand empli de merveilleux appels aux coups de cœur. Il faut aller à lui ! Sans oublier, ténors de choix, Meessen Declercq, Patrick Lancz, Axel Vervoordt, La Patinoire…
65e Brafa Arts de toutes les époques Où Site de Tour&Taxis, 88, avenue du Port, 1000 Bruxelles. www.brafa.art Tél. : 02.513.48.31 Quand Du dimanche 26 janvier au dimanche 2 février, tous les jours, de 11 à 19h ; nocturne le jeudi 30, de 11 à 22h30.
Les antiquaires au cœur du débat
Pour ses 65 ans, la Brafa redonne du tonus aux arts anciens. Il était temps.
Les tendances du marché de l’art depuis vingt ans étant ce qu’elles sont - omniprésence de l’art contemporain, chute de l’intérêt pour les meubles et les objets d’art anciens - toutes les foires occidentales évoluèrent et firent en sorte, pour tenir la tête hors de l’eau et remplir les travées, de donner de plus en plus de place aux arts du XXe siècle puis du XXIe siècle. Ce fut à tel point que l’on entendit pour la Brafa comme pour Eurantica, des bruits de couloirs faisant connaître une exaspération de la part des antiquaires (ce qui n’inclut pas les numismates, les marchands de tableaux modernes, et les défenseurs du Design), face à leur perte d’influence, alors qu’il y a un potentiel de renouvellement des professionnels comme des jeunes acheteurs.
La Brafa en cette année 2020 où l’on fête ses soixante-cinq ans de création dans les galeries souterraines du goulet Louise à Bruxelles, a eu la bonne idée de revenir vers ses bases et de renforcer l’offre dans ce segment.
Vivement donc dimanche et un peu avant pour ceux qui bénéficieront d’invitations, pour découvrir les œuvres occidentales ou orientales ayant entre 200 et 3000 ans. Dans l’excellent dossier de Raoul Buyle publié samedi dernier dans L’Essentiel, on avait déjà eu droit à un bel éventail de créations anciennes. En voici d’autres en attendant la semaine prochaine de vous livrer une foule de coups de cœur, après avoir vu ce salon qui n’est pas encore ouvert.
Berger à Beaune depuis 115 ans
Chez Paolo Antonacci (Rome) on verra des "vedute" comme on le dit des vues de Naples, souvent tracées à la gouache, aux XVIIIe et XIXe siècles. Celle-ci est à l’huile sur toile et peinte par Giovanni Signorini (1846). On y voit les rives de l’Arno à Florence, vers l’ouest, depuis le Ponte Vecchio. La composition est délicate et divertissante. Chez Apolloni (aussi de Rome), on vous proposera une très belle toile de l’Anversois Philippe-Jacques van Bree (1786-1871), peinte en 1838 où l’on se rafraîchit à une fontaine romaine avec trois jolies dames devisant avec un paon. Laurence Lenne (Ath-Silly) sera présente avec des céramiques italiennes, françaises et belges, mais aussi avec de l’orfèvrerie et des objets de cabinet, comme ce coffre en écaille de tortue qui servait de coffret de mariage, au Mexique, au XVIIe siècle.
Pour les 115 ans de la galerie Berger à Beaune, et après un succès mitigé à Namur, les Bourguignons ont amené de quoi meubler toute une maison du Val de la Cambre, avec le meilleur goût français disponible sur le marché. Un "bonheur-du-jour" de Roussel, voisinera avec une encoignure de Louis Delaître ou une chiffonnière de Louis Péridiez.
Il y aura de très beaux objets chez les frères Brun (Milan et Londres), qui ne sont pas les descendants du joueur de cartes de Pagnol dans Marius, pas plus qu’ils ne le sont de Philippe Brun, exceptionnel jazzman français, collègue de Ray Ventura et de Django Reinhardt. Les frères Brun amèneront une superbe sculpture en terre cuite d’Apollon par le Bolonais Mazza, de la fin du XVIIe siècle.
Il ne faudra pas manquer les stands de Desmet (Bruxelles) pour leurs sculptures italiennes, pas plus que le stand de la manufacture De Wit (Malines) pour ses extraordinaires tapisseries ou encore les bijoux sublimes chez Chamarande et Époque Fine Jewels. Pour les tableaux anciens, il faudra compter avec les De Jonckheere (Genève) dont le retour est une joie. Dans le même segment, il y aura les tableaux des Costermans (Bruxelles), ceux de chez Douwes (Amsterdam) et ceux de Madame de Voldère (Paris). On terminera avec les porcelaines chez les Lemaire (Bruxelles) et chez Bertrand de Lavergne (Paris).