Expérimenter l’art sublime dans un ex-bunker nazi
Visiter à Berlin la collection Feuerle d’arts asiatiques anciens et d’art actuel est une expérience unique. Dans le Kreutzberg à Berlin, le long du Landwehrkanal, se trouve un immense bunker de 7300 m2, construit en 1940 par les Nazis pour leur centre de télécommunications. Les murs de 2 m d’épaisseur empêchent toute démolition. Longtemps, le lieu fut ouvert à tout vent, pour des squats ou des raves parties.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/dbef88af-a777-4e76-9966-40b1fd6e9729.png)
Publié le 27-01-2020 à 10h43 - Mis à jour le 27-01-2020 à 11h17
:focal(1275x858:1285x848)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/GWNMEVGH5BDPTNV24GL42MTULY.jpg)
Visiter à Berlin la collection Feuerle d’arts asiatiques anciens et d’art actuel est une expérience unique.
Dans le Kreutzberg à Berlin, le long du Landwehrkanal, se trouve un immense bunker de 7300 m2, construit en 1940 par les Nazis pour leur centre de télécommunications. Les murs de 2 m d’épaisseur empêchent toute démolition. Longtemps, le lieu fut ouvert à tout vent, pour des squats ou des raves parties.
Depuis trois ans, c’est devenu une cathédrale de beauté et de méditation, une expérience d’art total.
De la rue on ne voit quasi rien. Il faut pousser une porte discrète et être arrivé ponctuellement à l’heure prévue par une réservation obligatoire sur le site. Un guide accueille brièvement les participants (14 maximum par heure, lors de notre visite nous étions seul) et les fait pénétrer dans les lieux où aucune indication, aucun commentaire en plus, aucun cartel ne viendra troubler la contemplation. La visite dure une petite heure.
On s’arrête d’abord quelques minutes dans un sas pour « nettoyer sa vision ». Dans le noir, on y entend les notes jouées l’une après l’autre d’un extrait de Music for Piano de John Cage (1953).

On entre alors dans le premier des deux étages de la collection Feuerle. Le bunker a été entièrement nettoyé et épuré par l’architecte minimaliste anglais John Pawson, celui du nouveau Design Museum de Londres et d’une abbaye cistercienne en Tchéquie. Son intervention se voit à peine. Il a conservé la beauté du béton brut.
L’infini de Kapoor
La première salle est déjà comme la nef d’une cathédrale avec ses imposants piliers qui rythment l’espace et la lumière rare qui n’éclaire que les statues khmères et chinoises qui semblent flotter.
Désiré Feuerle a tenu une importante galerie d’art jusque 1998 où se mêlaient l’art asiatique ancien et l’art contemporain. Il cherchait un lieu « différent » pour exposer une petite partie de sa collection.
Les splendides statues khmères de taille humaine (Xe au XIIIe siècle), sont entourées de sculptures divines en bronze et d’un « mobilier » de jardin en pierre datant de la dynastie des Hans au IIe siècle avant JC.
Aux murs quelques photogrammes de l’Anglais Adam Fuss et photographies d’Araki avec ses cérémonies érotiques de bondage. Au fond de la grande salle, le mystérieux Torus (2002), sculpture ronde comme un miroir vers l’infini d’Anish Kapoor.

Derrière de grandes vitres, on aperçoit le « lac » une salle entièrement couverte d’eau qui sert aussi dans le processus géothermique de chauffage du bunker.
A l’étage, on découvre une salle équivalente, encore dans la pénombre et le silence. Les seuls points éclairés montrent du mobilier chinois impérial magnifique en laque et fines plaques de marbre dont les dessins forment des paysages fantastiques.
On y retrouve les photographies d’Araki et de grands nuages fantomatiques d’Adam Fuss (Ghost serie). Une sculpture contemporaine en bronze de Zeng Fanzhi montre un arbre tordu par les ans. James Lee Byars et ses oeuvres chamaniques, convient bien au lieu et on découvre deux bananes couvertes d’or sous une grande cloche de verre et un lutrin ancien venu d’Ombrie sur lequel l’artiste a juste posé le « point parfait », disait-il, un point en or.
Le seul léger bruit qu’on entend est celui de l’eau qui ruisselle d’un grand paysage de bronze, une fontaine imaginée par Cristina Iglesias (Pozo XII, Desde dentro, 2016).

On peut aussi à certaines heures découvrir dans une salle annexe la cérémonie de l’encens.
Le bunker de la collection Feuerle vient ainsi compléter de manière Zen, l’expérience de la collection Boros qui occupe déjà un autre bunker berlinois depuis 2008. La collection Feuerle se veut plus qu’un musée classique pour devenir une expérience hors du temps.

The Feuerle collection, Hallesches Ufer 70, les vendredi, samedi et dimanche, sur réservation faite sur www.thefeuerlecollection.org