Au Musée de Charleroi, l’état d’esprit de Magritte révélé à travers les photographies et les films de sa vie
"Magritte s’excuse, il n’a pas pu venir", glisse Xavier Canonne comme pour donner le ton de sa présentation de L’image révélée, l’exposition consacrée aux photographies et films du peintre surréaliste. Une exposition importante dont il est le commissaire et que le public belge peut enfin voir au Musée de la Photographie à Charleroi après ce qui s’apparente à une tournée de star à Taiwan, Hong Kong et Melbourne.
Publié le 29-01-2020 à 16h19 - Mis à jour le 09-03-2020 à 16h00
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Magritte aime la photographie même s’il n’est pas photographe.
"Magritte s’excuse, il n’a pas pu venir", glisse Xavier Canonne comme pour donner le ton de sa présentation de L’image révélée, l’exposition consacrée aux photographies et films du peintre surréaliste. Une exposition importante dont il est le commissaire et que le public belge peut enfin voir au Musée de la Photographie à Charleroi après ce qui s’apparente à une tournée de star à Taiwan, Hong Kong et Melbourne.
"Magritte n’est pas un photographe, mais en fouillant les archives, on ne peut être qu’intrigué par les photographies prises par lui ou ses proches tout au long de sa vie", précise Canonne qui est par ailleurs un grand spécialiste du surréalisme. Certes, le peintre était comme tout un chacun un usager de la photo comme en témoigne d’entrée de jeu une chronologie des souvenirs familiaux. L’enfance avec ses deux frères cadets et ses parents pas très joyeux, le service militaire en 1921, puis la rencontre et le mariage avec la belle Georgette Berger en 1922. Bref, un album photo des plus conventionnels du temps où Magritte n’était encore que René.
Gang
Cependant, les images vont prendre une autre tournure au milieu des années 1920 avec la constitution assez informelle du groupe surréaliste bruxellois et ses très fréquentes rencontres chez Georgette et René Magritte. Elles montrent que dans ce groupe d’amis, les activités les plus banales - comme la photographie - sont constamment sujettes à des détournements, des relectures, bref un terreau pour l’imagination. Parfois de façon discrète, en pince-sans-rire, comme dans cette photo de 1928 - lors du court "exil français" - où son frère Paul et lui, bien que vêtus très élégamment, posent avec des charentaises aux pieds. Souvent de façon provocatrice et potache comme dans nombre de photos des années 1930, notamment dans le jardin des Magritte à la rue Esseghem à Jette.
Une période faste pour ce "gang" selon le mot de Paul Nougé qui en faisait partie avec E.L.T. Mesens, André Souris, Camille Goemans, Paul Collinet, Louis Scutenaire et, à partir de l’été 1937, Marcel Mariën*. C’est le temps de l’exercice collectif de la recherche des titres pour les tableaux de Magritte exposés alors, excusez du peu, à la Julien Levy Gallery à New York, à la galerie Charles Ratton à Paris (à l’invitation d’André Breton), au Palais de Beaux-Arts de Bruxelles, mais aussi à Londres ou à La Haye. C’est le temps de la complicité dont témoignent en cet avant-guerre toute une série de photos étranges ou déjantées. Une constante réaffirmation du groupe qui n’empêche néanmoins pas l’artiste surréaliste de poser seul.

Faux-semblants
C’est ce dont rend compte toute une partie de l’exposition joliment intitulée "L’air de peindre". On y voit Magritte jouer au peintre et finalement dévoiler cet état d’esprit qui fait la quintessence de son art ; à savoir une constante défiance vis-à-vis de l’image, la sienne y comprise, comme par exemple dans La Tentative de l’impossible et dans la photo qui le montre en train de peindre cette toile où… on le voit peindre. Une mise en abîme que l’on retrouve dans La clairvoyance et, doublement, dans le cliché qu’il demande à Jacqueline Nonckels de prendre de lui alors qu’il fait semblant de peindre cette même œuvre.
Sans cesse il simule, joue, crée des faux-semblants comme lorsqu’il prend la pose dans l’axe d’un sentier reproduit sur un tableau auquel il semble dès lors s’intégrer. Ou comme lorsqu’il photographie Georgette devant une toile vierge dont elle devient de facto le motif. C’est ce jeu constant avec les leurres de l’image qu’avait si bien compris le jeune photographe américain Duane Michals lorsqu’il fit spécialement le voyage au milieu des années 1960 pour tirer le portrait de ce peintre belge qu’il admirait tant.
Univers
Magritte aime la photographie même s’il n’est pas photographe et, comme nombre de surréalistes, il aime aussi beaucoup le cinéma. Pas celui des films intellos, mais plutôt celui du Chaplin de son enfance, de Fantomas ou des westerns hollywoodiens. On l’ignorait, mais dès les années 1950, il n’aura de cesse d’en parodier les scènes cultes d’abord en photographie, mais aussi dans des films qu’il tourne lui-même en Super 8. Là encore, il joue, au sens propre comme au figuré, il détourne les rôles, crée des récits loufoques et en définitive, comme toute l’exposition dont c’est manifestement le fil rouge, cela nous offre une autre manière de comprendre l’univers de René Magritte.
Conférence de Xavier Canonne, commissaire de l’exposition, le jeudi 26 mars à 19h30 : mpc.info@museephoto.be
Catalogue,/Ludion, 168 p., 39,90 €
* Une exposition lui avait été consacrée en ce même musée en 2013
"René Magritte. Les images révélées" Photographie Où Musée de la Photographie, 11, avenue Paul Pastur, 6032 Charleroi. www.museephoto.be Quand Jusqu’au 10 mai, du mardi au dimanche, de 10h à 18h.
