La lumière des nuits noires
Publié le 29-01-2020 à 17h39 - Mis à jour le 04-02-2020 à 16h40
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L’étrange brillance des paysages de Demaseure pose la question des conventions de représentation. La quinzaine de vues nocturnes de Dominique Demaseure exposées actuellement à la Galerie DS à Boitsfort sous l’intitulé "Notte in Bianco", retiennent l’attention bien moins par la prouesse technique de leur réalisation que par les questions d’ordre photographique qu’elles (im)posent.
Subtilité
Aujourd’hui, la toile est inondée par des photos de nuit toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Et c’est bien leur défaut d’ailleurs. La facilité numérique, l’air du temps… Rien à voir avec ce travail-ci, rien à voir avec les travaux d’auteurs que l’histoire de la photographie a retenus pour leur subtilité. Notamment au début du XXe siècle, les images d’Alfred Stieglitz ou de Berenice Abbott montrant New York dans sa mue moderniste ou celles du "Paris de Nuit" de Brassaï. Mais aussi, dans les années 1980, les photos du superbe "SummerNights" de l’Américain Robert Adams ou, plus proche de nous, celles de la série "Nuit Blanche" de Michel Séméniako (avec des paysages retravaillés à la lampe de poche) ainsi que celles du splendide livre "Nocturne" de Gilbert Fastenaekens.
On notera que dans ces classiques des vues nocturnes, il s’agissait là le plus souvent de paysages urbains où la lumière ne manquait pas tant que cela. L’intérêt de "Notte in Bianco" est d’avoir été réalisé en rase campagne, dans des endroits où les yeux mettent pas mal de temps à s’accommoder de l’obscurité. Les questions suscitées par ces images concernent donc d’abord l’origine de la lumière qui a permis de les réaliser. Parfois, la brillance de l’horizon trahit l’éclairage de routes ou de villages. Parfois, la clarté diffuse semble plutôt être celle de la Voie lactée que la pollution lumineuse ne gomme pas en certains endroits reculés.
Nuit américaine
S’ensuivent logiquement des questions concernant les conventions d’image. Jusqu’à quel degré d’obscurité faut-il aller pour suggérer la nuit, en faire ressentir le calme et le silence ? Pas assez, cela paraît encore du jour et de trop, on n’y voit plus rien. Et comment éclairer ces photos comme se le demande la galeriste Louise Derumier en constatant que par jour sombre, ô paradoxe, ses spots éteignent - si l’on ose dire - la belle noirceur des tirages qu’elle expose en ce moment. Autant d’interrogations qui nous amèneraient à penser qu’une image nocturne tient d’une certaine façon toujours de la "nuit américaine", de ce procédé factice qui consiste à tourner des scènes nocturnes en plein jour.
À ceci près, que même si toute image est une construction, les clichés de Dominique Demaseure réaffirment par nombre de "défauts" du procédé photographique en pose longue - les traînées derrière les étoiles, la masse cotonneuse de la mer - la réalité de la prise de vue nocturne et en corollaire la présence du photographe dans la fraîcheur de la nuit.
"Notte in Bianco" de Dominique Demaseure Photographie Où Galerie DS, 67 rue de l’Hospice communal, 1170 Bruxelles. www.louisedsgalerie.com Quand Jusqu’au 9 février, du vendredi au dimanche de 11h à 19h.
