Le travail d’Isaac Lythgoe ne laisse pas indifférent
Loin des faux-semblants et sans doute clivant, le travail d’Isaac Lythgoe - sculptures et installations - ne laisse pas indifférent.
Publié le 29-01-2020 à 17h53 - Mis à jour le 31-01-2020 à 13h43
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Loin des faux-semblants et sans doute clivant, le travail d’Isaac Lythgoe - sculptures et installations - ne laisse pas indifférent.
Diplômé du Royal College of Art, Isaac Lythgoe (Royaume-Uni, 1989) présente chez Super Dakota sa toute première exposition personnelle. Un événement ! Sur fond de Brexit, ses compositions hybrides, très narratives, empruntent à de multiples références : la mythologie, la culture populaire (de la science-fiction aux films de Walt Disney), la littérature classique ou encore l’histoire politique de son pays. Autre constante, l’importance accordée aux textures et contrastes entre les matières, combinant sans retenue éléments "faits main" et impressions 3D.
Série phare, ces quatre "visages" d’Eurostar. Un sujet symptomatique à souhait. Ce train à grande vitesse incarne bel et bien l’épine dorsale faisant la liaison entre la Grande-Bretagne et l’Europe. Il apparaît ici comme l’un des ultimes exemples, utopique, de la connivence qui rapprochait ces pays.
Un royaume de narrations
Isaac Lythgoe interprète chaque exemplaire afin de leur offrir une atmosphère singulière. Très sombre, le spécimen intitulé Lille-Europe, avec ses dégoulinades de liquide aussi brillant que transparent, évoque la pluie qui ruisselle sur le véhicule quand il arrive à Londres. La référence à cet accueil maussade est évidente et pourtant, nous ne pouvons nous empêcher de voir dans cette pièce l’équivalent d’un masque, proche de ceux portés par les méchants dans les blockbusters de super-héros. Soit une lecture plus angoissante. À ses côtés, la version baptisée Pont des Arts renvoie directement à cette tradition loufoque (qui a néanmoins rencontré un certain succès à Paris) encourageant les amoureux à refermer, sur le grillage du Pont des Arts, un cadenas symbolisant leur amour.
En filigrane de toute cette série, on retrouve la vitesse, le mouvement et l’énergie. Sujet central, cette dernière (à présent éolienne) tient le rôle principal de Bad news is nearly always true (Une mauvaise nouvelle est presque toujours vraie). L’artiste a imaginé une grande hélice suspendue. Un clin d’œil au récit de Cervantès dans lequel Don Quichotte se bat contre des moulins à vent qu’il perçoit comme des géants envoyés par de détestables magiciens.
Enfin, on ne peut tenter de comprendre la complexité d’Isaac Lythgoe sans observer quelques instants Who’s a Big Boy. Le plasticien conçoit un Pinocchio pris dans Big Ben. La tour londonienne, écartelée, se change en carcasse du mensonge. Le garçon présente des pattes se terminant par des sabots fendus, évoquant le dieu Pan (créature chimérique mi-homme, mi-bouc) qui transmet aussi quelque chose de pervers. Autre figure symbolique (réalisée en impression 3D), le personnage de Claude Frollo tiré de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, soit un homme froid, calculateur, pétri de désirs charnels… Une production qui a définitivement beaucoup à raconter. Un jeune artiste à suivre et à surveiller !
Isaac Lythgoe. Railway Spine Art contemporain Où Super Dakota, rue Washington 45, 1050 Ixelles www.superdakota.com Quand Jusqu’au 25 février, du mardi au samedi de 11h à 18h.
