"Gestation" : l’exposition de Jacqueline Devreux ouvre notre retour dans les galeries
Publié le 22-05-2020 à 13h22 - Mis à jour le 22-05-2020 à 13h25
:focal(1177x1423.5:1187x1413.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/JD565ZDPLFHDHNZGWLMIPVUDWM.jpg)
État transitoire, la gestation est à la fois une longue attente mais aussi un basculement vers un autre chapitre de sa vie. Une période synonyme de passage qui ressemble en certains points aux semaines que nous venons de traverser, souvent ponctuées d’émotions vives et très variées. Des sentiments d’impatience, de peur de l’inconnu et d’excitation à l’idée de se voir "délivré". C’est dans ce contexte particulier, et sous le signe de la renaissance, que nous découvrons l’accrochage présenté par Pierre Hallet.
Les aficionados de Jacqueline Devreux (Bruxelles, 1963) n’auront pas de mal à observer un véritable tournant dans sa quête picturale. Laquelle conserve néanmoins une grande cohérence puisque l’artiste reste fidèle à sa notion centrale : interroger l’identité de la femme dans toute sa complexité.
Manifestement, on observe quelques prises de distance radicales. Ses derniers tableaux, émancipés de l’influence de la photographie, explorent une palette laissant la couleur sortir de sa retenue pour gagner, plus que jamais, en tempérament (Le portrait). L’artiste visite de nouvelles gammes chromatiques qu’elle limite volontairement sur la toile. Dans La porte rouge ou L’éclosion, Jacqueline Devreux met en scène des figures féminines qui se réduisent à une palette restreinte et/ou à quelques volumes de couleurs posées en aplats. Cette facture nouvelle est indéniablement au cœur de sa mutation. La peintre multiplie les coups de pinceaux nets et francs, laissant souvent de côté l’ambiguïté induite par les flous. Ici, les silhouettes évanescentes ou fantomatiques laissent leur place à des femmes qui imposent leurs présences. Mais ses premières amours ne sont jamais loin : elle taquine encore et toujours cette frontière sensible entre rêve et réalité en livrant quelques visages qui nous échappent. Des traits se dérobent, se cachent. Un travail qui questionne les apparences. Que reste-t-il quand la surface s’efface ? Les réponses se multiplient, autant que les clés de lecture, écartant toute interprétation monolithique de son œuvre.
Une femme et son double

De leurs aînées, ses belles actuelles conservent la part de mystère. Une émotion troublante et fascinante. Elles apparaissent si présentes et si lointaines à la fois, perdues dans des silences insondables. Propre muse de son inspiration, la peintre multiple les autoportraits dont elle décline les variations. Pas seulement. "Jacqueline Devreux trouve ses modèles dans toutes les circonstances possibles : ce sont souvent des connaissances, parfois des inconnus racolés au gré de ses déambulations, ou quelques personnalités qui a priori l’intriguent", écrit Pierre Hallet, dans le catalogue qui accompagne l’exposition. Ce dernier, galeriste, est aussi le premier complice du quotidien de l’artiste. "Elle se nourrit de tout : l’actualité, une discussion avec les amis, une rencontre, un film, une conférence, nos échanges, des musiques et des chansons de tous les genres possibles. Des images, surtout, fixes ou en mouvement. L’humain reste cependant au centre de son intérêt."
Beaucoup de ses modèles dégagent un parfum de sensualité, bien plus subtil que l’érotisme - pas toujours latent - de ses accrochages précédents. Néanmoins, on retrouve ses amantes provocantes dans la belle sélection de dessins qui complète l’accrochage. Son coup de crayon incisif saisit des petites scènes dans lesquelles la femme, souvent maîtresse, prend des poses lascives. Objet de fantasme et de délicieuses tentations, elle incarne une Alice sensuelle au pays des pervers. L’homme fait ici son apparition, il faut bien quelques exceptions.
Enfin, notons que ces dernières semaines de retraite forcée ont encouragé Jacqueline Devreux à s’essayer, pour la toute première fois, à quelques expériences sculpturales. Une petite série de personnages, intitulée La nouvelle comédie humaine, ajoute une nouvelle corde à son arc.
Jacqueline Devreux, Gestation Peintures Où Galerie Pierre Hallet, rue Ernest Allard 33, 1000 Bruxelles www.galeriepierrehallet.com Quand Jusqu’au 30 juin, du mercredi au samedi de 14h30 à 18h30.
