L’art du XXIe siècle dans un magnifique "béguinage"
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Publié le 29-05-2020 à 08h14 - Mis à jour le 29-05-2020 à 09h28
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A Hasselt s’ouvre l’aile neuve du musée d’art contemporain Z33, une architecture très singulière et belle.
De la rue, au coeur d’Hasselt, on ne voit qu’un long mur aveugle de briques rouges en losanges, aux couleurs traditionnelles de la ville limbourgeoise. Une petite ouverture de côté permet de pénétrer dans un patio ombragé, avec un arbre et une fontaine. On se croirait plongé en Toscane. Bienvenue dans l’aile neuve du Z33, oeuvre étonnante et très belle de l’architecte italienne de Gênes, Francesca Torzo. Elle devait s’ouvrir quand le coronavirus a frappé. C’est maintenant chose faite et on peut découvrir ce « béguinage » du XXIe siècle, cette « casbah » très poétique, cette Maison de l’Art actuel, du Design et de l’Architecture.
Pour bien comprendre le lieu, il faut revenir au contexte. Le Z 33 (ce nom provient de l’ancienne adresse: Zuivelmarkt, 33) s'est ouvert en 2003 au coeur de la capitale du Limbourg, une ville riche dans une province jeune, mais qui fut fortement touchée par la crise économique.
On y trouve l'ancien béguinage. Comme dans toute la Flandre, à partir du XIIe siècle, des femmes choisissaient de se retirer de la société, de vivre ensemble en autarcie, de leur potager ou de leur production artisanale (de dentelles par exemple). Un mouvement souvent mal vu au Vatican, qui ne supportait pas cette indépendance des femmes. Les béguines construisirent à Hasselt leurs petites maisons d'un style très classique, de 1707 à 1762, un quadrilatère de paix et de tranquillité, avec un parc, entouré de murs élevés au centre d’Hasselt. Avec une église qui fut bombardée en 1944. Le béguinage a fermé en 1860 et la dernière béguine d'Hasselt mourut en 1886. Le lieu devint un hôpital pour les pauvres, puis une bibliothèque. Un bâtiment moderne fut construit en 1958, où se déroulèrent les expositions depuis 2002 (l’aile Vleugel58).

L’esprit de Zumthor
Sous la direction de Jan Boelen (parti aujourd’hui à Karlsruhe) le créneau assez pointu du Z33 est la jeune création dans l’art, le design et l’architecture des vingt dernières années.
Les maisons de béguines ont été utilisées pour les expos mais étaient inadéquates et ont été transférées à la faculté d’architecture et on décida de construire une aile neuve appelée Vleugel19 (pour 2019)
Après concours, c’est Francesca Torzo, née en 1975, qui travailla avec Peter Zumthor au Columba de Cologne, qui remporta le concours. Elle a pris le temps de parcourir la ville, d’en saisir l’esprit, de chercher pendant deux ans la bonne couleur et forme des briques de la façade « silencieuse ».
Son musée se relie parfaitement par l’arrière, au bâtiment de 1958. Il a reçu cette année le prix Moira Gemmill. Le jury parlant d’une « architecture magnifique et poétique qui réinvente complètement ce que peut être l’architecture avec des plans labyrinthiques et d’étranges logiques de construction.»
Le musée est tout à l’opposé du white cube des musées et galeries contemporains. Il est un béguinage actuel avec sa succession d’espaces quasi tous différents, de taille, forme, hauteur, jusqu’à avoir une salle haute comme une cheminée. Un musée avec des patios et des ouvertures sur le ciel. Le tout caché par le mur de façade et par un long couloir d’accès, haut et étroit comme une ruelle italienne. Les moindres détails ont été délicatement étudiés avec les plafonds en forme de diamants, les bords de fenêtres biseautés, l’influence du son.
Un « orgue d’ombre et de lumière » explique Francesca Torzo, un oasis de paix dans l’agitation de la ville. Mais aussi -on le vérifiera par la suite - un fameux défi pour les commissaires d’exposition.

Chorégraphes
Pour découvrir cette aile novatrice, le Z33 propose trois expositions stimulantes dont The Time of Work. Son commissaire Pieter ’t Jonck, lui-même architecte et critique de danse, l’a conçue comme une manière de révéler la richesse et les surprises de l’architecture. Lotte Van den Audenaeren dévoile des textes dans le long couloir d’entrée (projections, inscription à la chaux sur le sol). Le chorégraphe Radouan Mriziga a inscrit le corps des danseurs sous forme de longs collants bleus sur les murs de la salle-cheminée. Le chorégraphe Noé Soulier a placé des « fantômes », ces modèles d’oeuvres que les musées utilisent pour leurs accrochages. Lodie Kardouss a tendu une toile d’araignées de cordes que le visiteur doit traverser comme une métaphore du musée lui-même. Forsythe nous invite à bouger.
Une seconde expo, The Work of Time étudie la question du temps y compris le temps long de la crise climatique et des déchets nucléaires vus par les artistes.
Z33, Bonnefantenstraat, 1, Hasselt, expositions d’ouverture jusqu’au 29 août, fermé le mardi. Ouvert de 11 à 18h et, le week-end de 10 à 18 h. Réservation en ligne obligatoire pour l’instant