Vision du cœur et regard critique
Yvon Lambert à la Box Galerie : du noir et blanc à la couleur, bien plus qu’une évolution technique, un changement de paradigme.
Publié le 29-05-2020 à 09h15 - Mis à jour le 29-05-2020 à 09h28
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Yvon Lambert à la Box Galerie : du noir et blanc à la couleur, bien plus qu’une évolution technique, un changement de paradigme.
En parcourant les tirages en noir et blanc de l’exposition "Cuba/Napoli" d’Yvon Lambert à la Box Galerie, il est difficile de croire qu’ils seront remplacés d’ici peu par une série de photographies en couleur du même auteur. Pourtant ce sera le cas avec un travail récent intitulé "Ostende".
C’est d’autant plus difficile à imaginer que la qualité essentielle de ce qui nous est donné à voir pour le moment, et ce jusqu’au 6 juin, tient justement pour une bonne part à la maîtrise de ce noir et blanc, une maîtrise telle que celui-ci en devient un sujet à part entière : les contrastes appuyés, les plages de gris veloutés, le grain…
Jubilation
Bien plus qu’un voyage en Italie ou à Cuba, cette trentaine d’images nous emmène faire un tour du côté de la culture photographique. Plus précisément du côté de la photographie humaniste qui manifestement a nourri le jeune Yvon Lambert dans les années 1990, juste après qu’il a quitté son job d’ingénieur technicien dans la sidérurgie pour entreprendre des études de photographie. Cependant, ce détour passe moins par la photographie de l’instant décisif à la Cartier-Bresson, claire, nette et architecturée comme un jardin français, que par celle sombre, granuleuse et arrachée au mouvement de la vie telle que la pratiqua le génial Robert Frank dans les années 1950.
On retrouve dans ces tranches de vie décalées, inattendues, en coulisse du théâtre urbain, des accents des Exils de Jozef Koudelka, mais aussi et surtout la poésie du quotidien à la façon de Sergio Larrain. Comment ne pas se souvenir des vagabondages à Valparaiso ou à Palerme de cet électron libre de l’agence Magnum devant les scènes de rue mouvementées et les ambiances portuaires proposées ici ? En tout cas, on y reconnaît une même vision à fleur de peau et surtout une même jubilation à capter l’improbable et à lui donner forme.
Critique
En passant à la couleur, comme nombre de photographes, Yvon Lambert n’a pas seulement changé de technique, il a changé de registre. Sa vision d’Ostende que l’on pourra découvrir à partir du 13 juin est plus distanciée. Ce n’est plus une vision du cœur, mais plutôt une vue clinique. De la délectation à se fondre dans le quotidien d’une population, on passe à un regard critique sur la trivialité petite-bourgeoise. Cela peut faire penser parfois à du Harry Gruyaert, parfois à du Lars Tunbjörg ou à du Martin Kollar. Le travail en noir et blanc se construisait à l’écart de l’imagier convenu des lieux parcourus, celui en couleur s’y attaque, pourfendant les clichés générés par l’industrie du tourisme. Néanmoins pas toujours puisque certaines de ces images renouent avec la veine de la notation poétique. Assez curieusement, ce sont celles qui auraient pu se passer de la couleur.
"Cuba/Napoli" et "Ostende" d’Yvon Lambert Photographie Où Box Galerie, chaussée de Vleurgat, 102, 1050 Bruxelles. Quand "Cuba/Napoli" jusqu’au 6 juin et "Ostende" du 13 juin au 11 juillet, du mercredi au samedi de 14h à 19h. Rens. : www.boxgalerie.be
