L’esprit du paysage
- Publié le 09-06-2020 à 22h53
- Mis à jour le 09-06-2020 à 22h55
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Ni abstraits, ni topographiques, les paysages de Jan Valik nous conduisent à la lisière entre réel et imaginaire.
Il est dans la nature humaine l’envie de définir, ranger, classifier les choses. Les artistes, toutes disciplines confondues, n’échappent pas à la règle. On aime les placer dans des cadres familiers, les rapprocher de courants ou de plasticiens déjà renommés. Cet exercice, tentant et confortable, ne s’appliquera pas à Jan Valik (Bratislava, 1987), peintre que l’on découvre pour la toute première fois en Belgique. Un électron libre - naviguant entre Bruxelles et sa ville natale - qui échappe à toute tentative de classification. Ça tombe bien, l’homme encourage lui-même une extrême liberté dans notre interprétation de sa production.
Spécialisé dans la peinture de paysage, Jan Valik décloisonne ce genre qui le fascine, l’envisageant comme le lieu de rencontres et de dialogues entre héritage occidental et tradition orientale. Soit des approches très différentes, qui se renforcent l’une l’autre. Il explore la fine frontière, perméable à souhait, entre réel et imaginaire, figuration et abstraction. Résultat ? Des œuvres autonomes qui ne sont jamais préprogrammées. Quand l’artiste pose son premier trait, il ne sait pas encore dans quel espace mental les prochains coups de pinceau vont le conduire. Ses œuvres ne naissent pas d’un éclat d’inspiration mais dans une dynamique de croissance écartant toute impatience.
Un Slovaque en Asie
D’emblée, nous sommes frappée par l’approche très orientale du sujet. Et pour cause : Jan Valik reconnaît lui-même sa profonde connexion avec l’Extrême-Orient. L’artiste a notamment profité de résidences au Japon (Yokohama) et en Chine (Pékin, Xuancheng). Des séjours qui imprégneront sa démarche. Comme dans la tradition orientale, Jan Valik renonce délibérément à toute représentation réaliste, préférant composer des espaces où souvenirs et sensations se combinent. Le spectateur y découvre ce qui persiste de l’esprit du paysage : des émotions qui se diluent dans une perspective atmosphérique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces lieux restent désespérément inhabités. L’artiste prive ses compositions de toute présence humaine. Même au loin, pas l’ombre d’une furtive silhouette. Une constante qui permet d’exclure toute déduction des proportions et dimensions du paysage.
Lors d’une résidence en Chine, il découvrira les Monts Huang, l’un des sujets favoris de la peinture traditionnelle chinoise. Motif que l’on aperçoit dans ses tableaux. Dans le magma abstrait peut surgir la vague silhouette d’une cascade ou d’une montagne. Des paysages optant souvent pour un format vertical, une palette chromatique vive et riche… Soit autant de spécificités le rapprochant de l’œuvre d’un Hokusai. Maître pour lequel l’artiste slovaque nourrit un profond respect et une grande admiration, sans verser dans la pâle imitation.
Il retiendra également une technique d’aquarelle traditionnelle au Japon, le "tarashikomi". Le procédé consiste à appliquer la deuxième couche de couleurs alors que la première n’est pas sèche. Cependant, il n’y a jamais chez Jan Valik une volonté de copier. D’ailleurs, ces couches disparaîtront souvent sous une couche de peinture à l’huile. Enfin, l’artiste donne à ses tableaux des titres très poétiques qui stimulent la réflexion sur la temporalité et l’espace. Cette réflexion est également encouragée par les cadres qu’il réalise et dont les bordures, souvent floues, perturbent notre compréhension de la composition. Soit des paysages comme autant d’escales idéales qui volontairement nous désorientent, nous conduisent dans un lieu dégagé de repères. Dépaysement immédiat.
Jan Valik. Verge Peintures Où Husk Gallery, chaussée de Waterloo 690 (#12), 1180 Uccle www.huskgallery.com Quand Jusqu’au 27 juin, du jeudi au samedi de 13h à 18h et srdv.
