Dix artistes, passés par le Cern, rendent visible l’invisible
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- Publié le 25-06-2020 à 07h58
- Mis à jour le 25-06-2020 à 09h00
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Dix artistes internationaux en résidence au plus grand laboratoire du monde, montrent leurs oeuvres à l’iMAL.
Qui a eu la chance de visiter le Cern à Genève, le plus grand laboratoire de physique des particules au monde, celui qui analyse le fondement de la matière (on y a découvert le boson de Brout-Englert-Higgs), a été saisi par la beauté esthétique de la science: les gigantesques accélérateurs enfouis sous terre, les détecteurs grands comme des cathédrales qui tentent de voir l’invisible, les gracieuses volutes que laisse le passage des particules chargées dans les chambres à bulles, la beauté des équations remplies de signes mystérieux.
Les physiciens comme les artistes peuvent reprendre à leur compte cette réflexion du mathématicien Alexandre Grothendieck : « Qu’ai-je fait d’autre dans mon passé de mathématicien, si ce n’est suivre, rêver jusqu’au bout, jusqu’à leur manifestation la plus manifeste, la plus solide, irrécusable, des lambeaux de rêve se détachant un à un d’un lourd et dense tissu de brumes. »
Il ne faut pas être spécialiste de physique pour le ressentir. Niels Bohr, un des pères de la physique moderne disait : « si vous n’êtes pas choqué par le théorie quantique, c’est que vous ne l’avez pas comprise ». Max Born ajoutait: « La physique théorique d’aujourd’hui est philosophique ».
La physique est aussi art comme le prouve le programme Art at Cern qui a développé depuis dix ans, des résidences d’artistes. Ceux-ci se mêlent aux physiciens et créent. De cette fertilisation croisée, de cette double manière de traquer les secrets du monde (par la science et par l’art) est née l’expo itinérante Quantum: in search of The Invisible qu’on peut découvrir à l’IMAL, à Bruxelles (Center of Digital Cultures et Technology), après qu’elle soit passée à Liverpool et Barcelone (80000 visiteurs), et avant de repartir à Nantes, Tallin et Taïwan.
Le ventre de la matière
On y découvre les oeuvres créées au Cern par dix artistes : Julieta Aranda (Mexique), Diann Bauer (États-Unis), James Bridle (Royaume-Uni), Juan Cortés (Colombie), hrm199 (Royaume-Uni), Yunchul Kim (Corée du Sud), Lea Porsager (Danemark), Suzanne Treister (Royaume-Uni), Semiconductor (Royaume-Uni) et Yu-Chen Wang (Taïwan).
Yunchul Kim a reconstruit une grande machinerie pour traquer la particule muon: des fleurs de tubes crépitent, une sorte de lustre de Venise dégouline de fils et un tube de 18 m rempli de fibres otiques serpente. On est là dans le ventre même, agrandi, de la matière.
Lea Porsager fascinée par la traque des neutrinos a repéré et repris un instrument comme un cornet géant de sourd. Son installation et sa vidéo interrogent cette quête d’une particule insaisissable.
Nourries de physique, ces œuvres sont esthétiques et philosophiques. Juan Cortés avec sa boîte pleine de rouages qu’on doit observer de tout près, montre par un bouquet de fibres optiques, d’improbable galaxies dans le noir. Suzanne Treister fait défiler à toute vitesse, comme dans un accélérateur, 25000 images de l’histoire de l’art qu’elle confronte avec la voix apaisée des chercheurs.
Julieta Aranda s’interroge sur l’avenir de notre planète menacé par l’homme. Yu-Chen Wang expose de beaux et grands dessins de machineries étranges qu’il recouvre de projections de notes de physiciens actuels.

Un FabLab
Cette expo salue les 20 ans de l’iMAL et la fin des grands travaux menés pour doubler sa surface. Créé en 1999 par Yves Bernard, à Molenbeek, le long du canal, il a eu un rôle pionnier dans l’utilisation par les artistes des nouvelles technologies digitales. Celles-ci se sont depuis généralisées mais l’iMAL garde son rôle de laboratoire.
On peut y trouver désormais de larges espaces d’exposition, des résidences d’artistes, un FabLab agrandi et ouvert à tous pour y utiliser des machines performantes, un espace de conférences-débats.
Son arrivée le long du canal était un défi, mais aujourd’hui les institutions culturelles proches se multiplient, du Mima à Kanal, et le lieu agrandi a trouvé une visibilité neuve avec sa façade bien visible.
« Quantum: in search of the invisible », jusqu’à 16 août, à l'iMAL, 30 Quai des Charbonnages, Molenbeek, du mercredi au vendredi de 12h à 19h et le week-end de 11h à 18h, actuellement réservation nécessaire par téléphone (0474 03 69 44) ou en ligne (imal.org)