« D’où vient l’air que nous avons en bouche? »
Une belle petite expo, accès gratuit, d’Ana Torfs à Bozar, méditative, poétique, sur le cycle de la vie et le souffle.
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- Publié le 11-07-2020 à 07h49
- Mis à jour le 22-07-2020 à 17h11
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Quand on pénètre dans la salle du Palais des Beaux-Arts occupée par les œuvres d’Ana Torfs (née en 1963, vit et travaille à Bruxelles), on est de suite pris par le son de son souffle. On l’entend inspirer et puis expirer, sans plus rien entendre d’autre, loin du monde extérieur. Ce souffle qu’aujourd’hui avec le covid et le danger de contagion on associe autant à la mort possible qu’à la vie.
En phase avec ce souffle, des phrases défilent sur un écran, construites comme celles qui s’affichaient jadis sur les étals des petits magasins, quand les publicités changeaient chaque jour et étaient écrites lettre par lettre. Ana Torfs y a écrit les questions que les enfants se posaient il y a près de cent ans, à l’invitation du psychologue suisse Jean Piaget: « De quoi le vent est-il fait? », « D’où vient le vent ? », « D’où vient l’air que nous avons dans la bouche? »
Ana Torfs avait exposé en 2014 au Wiels sous le titre Echolalia, un mot qui renvoie à l’écholalie, une névrose dans laquelle le malade répète des mots ou des phrases prononcées par lui-même ou ses interlocuteurs. Elle évoquait la genèse "des mots et des choses ».
Très différente, son expo à Bozar reste cependant dans cette ligne méditative. Une longue installation sonore (qu’à cause du covid, on ne peut plus écouter qu’avec son smartphone) donne la parole à la nymphe Echo punie par Junon et réduite désormais à ne plus répéter que les paroles des autres mêlées à nouveau au souffle. Ses ossements se calcinent mais sa voix continue à se faire entendre. Un tapis au sol symbolise ses ossements calcinés.

Belle danse macabre
Sur un autre écran, on voit une femme blonde toute repliée. Vite, on remarque que c’est une poupée manipulée, comme dans le théâtre japonais, par un homme tout de noir vêtu, tête comprise. Il tente de lui redonner vie, de lui transmettre ce souffle qu’on entend toujours.
La pièce principale de l’expo est Sideshow, réalisée en stop-motion. Au lieu d’une vidéo avec 25 images par seconde, le film est composé d’images photographiques réalisées au rythme d’une image par seconde. Devant un décor abstrait aux lumières changeantes, apparaît, comme dans un cabaret moderniste, une « danse macabre », dit-elle, de personnages masqués joués par des acteurs professionnels: un Fantômas, une geisha, un homme-oiseau, une femme à tête de chat, une momie, un Frankenstein, un illusionniste, etc.
Très belle formellement, l’oeuvre rappelle le théâtre, les marionnettes, le cinéma muet, la mascarade. La vidéo a demandé aux performeurs un travail particulier de mouvements très lents.
On retrouve là, le théâtre de la vie, le cycle vie-mort, le fil ténu du souffle qui nous accompagne toujours et encore lorsqu’on ressort de la salle.
Jusqu’au 20 juillet, le jeudi (10h-14h) et le dimanche après-midi (14h-18h). Entrée gratuite mais inscription obligatoire sur le site de Bozar. Bozar fermera ensuite du 21 juillet au 18 août. L’expo Ana Torfs rouvrira ensuite, cette fois tous les jours, jusqu'au 1 novembre.