Lausanne se dote d’un grand Quartier des musées
Le nouveau musée des Beaux-arts de Lausanne vient d’ouvrir avec une magnifique expo Klimt-Schiele.
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Publié le 31-07-2020 à 09h07 - Mis à jour le 31-07-2020 à 15h53
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Lausanne a de grandes ambitions pour ses musées et veut les regrouper dans un flambant neuf « Quartier des musées » idéalement placé sur une esplanade près de la gare. En octobre dernier, fut inauguré le MCBA (musée cantonal des Beaux-arts), grand parallélépipède de 145 m de long et 22 m de haut, des architectes de Barcelone EBV (Estudio Barozzi Veiga). Avec 3215 mètres carrés d’exposition, il est vaste.
D’un coût de 84 millions de francs suisses le bâtiment a été construit sur l’ancienne halle aux locomotives. Au milieu de la façade et son strict alignement de colonnes, on entre par un hall monumental de 18 m de haut donnant sur une grande verrière, dernier vestige de l’ancienne halle. Au milieu a été placé l’arbre de 15 m de haut de Giuseppe Penone Luce e Ombra, arbre de bronze aux feuilles d’or.
L’esplanade des musées appelée Plateforme 10, sera complétée l’an prochain par un autre grand musée faisant angle avec celui du MCBA. Conçu par les architectes portugais Manuel et Francisco Mateus et plus aérien, il abritera le musée de l’Elysée (photographie) et le Mudac (musée du design et des arts appliqués).

11000 œuvres
Le MCBA est un musée aux service des oeuvres avec une circulation claire entre des salles hautes et blanches (white box). L’aile Est accueille les expositions temporaires, l’aile Ouest l'exposition permanente des collections. L’entrée à la collection permanente est libre.
Le MCBA possède 11000 oeuvres et peut désormais en présenter deux cents dont cent d’art contemporain.
Dans de grandes salles lumineuses qui respirent, on retrouve de grands noms de l’art suisse comme Félix Valotton, Ferdinand Hodler, deux sculptures de Giacometti dont une immense Femme debout (1960). On y retrouve une des oeuvres favorites du public suisse: un immense taureau face aux Alpes d’Eugène Burnand (1884). On pense à son équivalent au Mauritshuis de La Haye où une immense vache semblable est, dit-on, l’oeuvre favorite des Hollandais !
La collection d’art contemporain est tout aussi riche avec Anish Kapoor, Penone (plusieurs superbes tableaux et marbres), Soulages, Bruce Nauman, Boltanski, Ana Mendieta, Kentridge, Bill Viola, Marcel Broodthaers, etc.
Klimt-Schiele
Das l’aile Est, sur deux étages, le MCBA propose jusqu’au 23 août, une magnifique exposition autour du modernisme viennois de Klimt, Schiele et Kokoschka.
Un étage est consacré aux dessins, peintures et arts graphiques, le second étage, aux meubles et arts appliqués de Vienne à cette époque (on pense immédiatement en les voyant au Palais Stoclet à Bruxelles, l’oeuvre de Josef Hoffmann et des Wiener Werkstätte).
Lausanne a pu bénéficier de prêts magnifiques: d’abord des dessins de Klimt et les femmes, de Schiele et ses corps torturés, des peintures de portraits et de paysages de Schiele et de parterres de fleurs de Klimt.

Une partie de l’œuvre de Klimt est liée à la fonction décorative tout en étant hautement symboliste avec des superbes affiches. On les montre proches des oeuvres de Koloman Moser, Josef Hoffmann, Adolf Loos. Vienne à cette époque est en pleine ébullition (c’est alors la ville de Freud, Alban Berg, Schönberg, Wittgenstein, Musil, Zweig, Schnitzler), les œuvres de Klimt font parfois scandale. Une photo le montre habillé d’une vaste chasuble, un peu faune en rut.
Tout au long de sa vie, Klimt a multiplié des magnifiques dessins, qualifiés d’érotiques. Il s’entourait de modèles qui se laissaient aller dans l’atmosphère délétère. Elles se reposaient, se prélassaient, s’endormaient, se caressaient, s’enlaçaient. Jamais d’obscénité et toujours une candeur d’Eve avant la pomme, de paradis perdu. Avec un plaisir évident qu’on décèle sur leurs visages apaisés. Ou une jouissance qu’on devine à l’arc d’un sourcil ou à la courbure d’un cou.
On découvre à l’expo, de purs chefs d’œuvre comme cette Tête de femme de 1917 et les deux Paysages de jardin avec colline de 1916 venus du musée de Zug.
Ses successeurs viennois, Egon Schiele et Oskar Kokoschka, vont faire exploser ce classicisme en représentant des corps tourmentés. Freud est passé par là. Durant sa courte vie, Egon Schiele mort à 28 ans de la grippe espagnole, a ouvert une voie tumultueuse à travers l’expressionnisme. L’essentiel de son oeuvre a été réalisé en une dizaine d’année à peine à Vienne.
Enfant prodige, jeune rebelle et agitateur chronique, il a provoqué un tollé parmi les institutions avec ses lignes irrégulières, ses corps déformés, le choix des couleurs et son érotisme explicite, et continue aujourd’hui de surprendre par ses autoportraits sans concession et les sujets nus qu’il exhibe. Les côtes saillantes, les membres qui se contorsionnent et la peau maladive font du corps le réceptacle de l’angoisse. Magnifique.

MCBA, Lausanne, exposition ouverte jusqu’au 23 août