Près de Crans-Montana, l’art aborigène en résonances avec l’art contemporain
La Fondation Opale, à Lens, propose un très beau dialogue entre l’art des artistes aborigènes et l’art actuel.
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Publié le 01-08-2020 à 10h36 - Mis à jour le 28-08-2020 à 15h22
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A Lens, dans le Valais, au bas de la grande station de ski de Crans-Montana, a été créé dans un beau bâtiment très contemporain au bord d’un lac, un musée passionnant. Bérangère Primat (famille Schlumberger) l’a repris en 2018 pour en faire la Fontaine Opale, seul musée européen dédié aux artistes aborigènes d’Australie.
Passionnée par ce pays et ses peuples anciens, elle parcourt l’Australie depuis 18 ans et a réuni une collection exceptionnelle de 900 oeuvres aborigènes, d’un art qui ne se résume pas à un art de points mais montre une grande variété et de très étonnants parallèles formels et de fond avec l’art contemporain. D’ailleurs pour Bérangère Primat -et à juste titre- ces artistes aborigènes sont des artistes contemporains.
Ces œuvres se situent dans une continuité de 60000 ans, de poèmes, chants, représentations du monde et du ciel. Durant des siècles, ces artistes s’exprimaient sur le sable, les parois des grottes, sur les corps. Depuis 50 ans, ils utilisent des support pérennes : toiles, bois, etc.
L’exposition qui vient de s’ouvrir met en Résonances (titre de l’expo), un large choix de la collection avec des oeuvres d’art contemporain de la collection Dragonfly de Garance Primat,
la soeur de Bérangère. Elle a son propre lieu, le domaine des Etangs, qu’elle a aménagé entre Limoges et Angoulême pour y exposer sa collection dans un château et une nature préservée.
Les mêmes étoiles
Les artistes contemporains qu’on retrouve à la Fondation Opale sont de premier choix et sont tous préoccupés de ces rapports métaphysiques à la terre et au ciel et au reste du vivant : Lee Ufan, Tomas Saraceno, Gormley, Kapoor, Yayoi Kusama, Kiki Smith, Soll LeWittt, David Nash, Ugo Rondinone, Kiefer, Penone, Hrman De Vries, Dubuffet, le Belge Kris Martin, Romuald Hazoumé, Jean-Marie Appriou.

Les résonances apparaissent d’emblée comme entre Sol de Gormley, un corps couché découpés en blocs d’acier couleur terre, et Rêve Homme de glace de Charlie Tararu Tjungurrayi où une silhouette humaine couchée se fond dans les collines terreuses d’un site sacré.
«J’ai regardé l’univers, j’ai regardé cet endroit, la terre, les gens et les étoiles, et je me suis dit: on est exactement comme les étoiles. Groupés ensemble, tout près les uns des autres. En fait, on n’est qu’un, comme les étoiles. Nous sommes si nombreux à vivre sur la terre, et la terre, la mer, le ciel, c’est un continuum. C’est une seule et même chose […] Vos étoiles sont les mêmes que les nôtres.» Cette citation de l’artiste aborigène Gulumbu Yunupingu ouvre la visite.
On peut voir côte à côte un tableau de Dubuffet avec de la terre d’Algérie et Rover Thomas Joolala qui utilise des pigments naturels pris à la terre pour un grand grand aplat noir cerné de points blancs.
Partout on retrouve ds récits croisés de ciels et de terres, comme entre Kiki Smith et des totems peints, entre les points des aborigènes (ils peignent avec des bâtons de bois) et ceux de Yayoi Kusama. On retrouve la figure du serpent, de l’arbre (à l’envers chez Kris Martin), des étoiles.

Garance Primat: « Les peuples aborigènes le savent bien : tout de l’infiniment petit à l’infiniment grand est habité, relié, interconnecté. l’Univers est résonances. Tout communique et tout a un impact, comme un battement d’ailes de papillons ».
Téléphone mobile
Depuis l’exposition mythique des Magiciens de la terre en 1989 au Centre Pompidou par Jean-Hubert Martin, on a appris à ouvrir notre regard sur ces arts périphériques qui touchent aux mêmes questions de la vie, de la terre, du ciel. Questions rendues encore plus urgentes par la grande crise écologique.
Les œuvres réalisées par des araignées de Tomas Saraceno dressent des cartographies qu’on retrouve dans des tableaux aborigènes. Un ensemble de toiles aborigènes abstraites dans des ocres naturels répond à Herman De Vries qui a collectionné les terres du monde entier et en tire des pigments variés dans un herbier des terres.
Les citations reprise d’artistes occidentaux pourraient être celles de leurs collègues aborigènes. Antony Gormley: "L'art est le moyen par lequel nous communiquons ce que cela fait d'être vivant ». Sol LeWitt : "Les artistes sont des mystiques plutôt que des rationalistes. Ils tirent des conclusions que la logique ne peut atteindre. » Herman De Vries: "Je ne m'inquiète pas. La nature vaincra toujours, mais je vous dis ceci: un monde dans lequel les gens acquièrent toutes leurs connaissances à partir d'un téléphone mobile ne sera jamais sain à long terme. Mon conseil: regardez mieux ce qui vous entoure »

C’est la belle Fondation Opale et la collection Bérangère Primat qui présenteront le printemps prochain au musée d’Art et Histoire à Bruxelles, au Cinquantenaire une exposition d’art aborigène Before Time Began.
Fondation Opale, Lens (Valais), ouvert jusqu’au 4 avril 202