Le génie de Beethoven ne cesse de nous influencer
Avec l’exposition « Hotel Beethoven », Bozar montre comment l’icône Beethoven a conservé toute sa force. Un mythe, mais bien vivant, revisité à travers sa vie, ses lettres et partitions, et surtout le regard d’artistes actuels.
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Publié le 13-10-2020 à 15h31 - Mis à jour le 28-10-2020 à 13h56
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Puissante ou tragique, l’oeuvre de Beethoven exprime toute la condition humaine. En plus d’être une génie musical, il est devenu un mythe dès sa mort en 1827, et ensuite une icône de la culture, y compris populaire. Aujourd’hui encore il reste un influenceur comme on dit désormais. Sa surdité fait partie de sa légende comme l’oreille coupée fait partie de celle de Van Gogh.
La force de Beethoven est que sa musique sort toujours indemne et magnifique de tous les traitements qu’on lui ferait subir.
Bozar revient sur le mythe et son actualité à l’occasion des 250 ans de la naissance du compositeur, avec son exposition Hotel Beethoven, préparée par Eric de Visscher qui fut directeur du musée de la musique à Paris et travaille aujourd’hui au V&A à Londres.
Une ingénieuse scénographie d’Anna Viebrock divise l’expo en chambres d’hôtel séparées par des couloirs garnis de velours rouge.
La première chambre résume comment Beethoven est accommodé à toutes les sauces. Si Warhol a rendu Pop son célèbre portrait par Joseph Karl Stielers, Terry Adkins s’empare du même portrait dans une vidéo où la tête de Beethoven devient peu à peu celle d’un Noir. La prix Nobel sud-africaine Nadine Gordimer en avait déjà fait un livre: Beethoven aurait du sang noir.

Les grands bustes en bronze d’un Beethoven romantique sont de Bourdelle qui en fit 80 ! Même l’iconoclaste Christian Marclay associant la pochette d’un disque de l’Eroica à une poitrine généreuse et nue, participe au mythe, comme le fait Katie Paterson en envoyant pour un aller-retour, vers la lune, et codé en morse, la Sonate au clair de lune et voyant si ce périple en a altéré la musique.
Le révolutionnaire
Le parcours aurait pu tout autant insister sur Beethoven au cinema (Orange mécanique) ou dans le rock (Roll over Beethoven de Chuck Berry). Beethoven montre bien comment toutes les formes d’art peuvent communiquer entre elles.
L’exposition a choisi l’art contemporain avec des oeuvres pertinentes mises en parallèle avec de nombreuses lettres passionnantes et partitions originales. Certaines sans cesse retouchées ressemblent à des dessins contemporains !
Un artiste aussi iconoclaste que Maurizio Cattelan disait que s’il n’y avait qu’une oeuvre musicale à écouter ce serait la 9e Symphonie.
Il y a 50 ans, pour célébrer les 200 ans de Beethoven, Mauricio Kagel avait réalisé un film projeté à l’expo, où de grands artistes comme Joseph Beuys, Dieter Roth et Robert Filliou reconstruisaient la maison imaginaire de Beethoven.
Même son unique opéra Fidelio reste invoqué pour la lutte de Black Lives Matter comme le montre à l’expo une vidéo d’une représentation dans les prisons new yorkaises.
Victor Hugo
Sa surdité progressive devenue totale en 1820, reste le plus puissant mystère. Victor Hugo disait : « Ce sourd entendait l'infini. Les hommes lui parlaient sans qu'il les entendît ; il y avait une muraille entre eux et lui ; cette muraille était à claire-voie pour les mélodies de l'immensité. Il a été le plus grand des musiciens grâce à cette transparence de la surdité. » Les surréalistes disaient aussi que c’est en fermant les yeux qu’on voit.
Toute une salle y est consacrée où on peut expérimenter une machine « d’écoute solidienne » où les sons passent à travers nos os. John Baldessari a reconstruit l’oreille de Beethoven avec un cornet énorme. Quand on s’y penche pour lui parler, on entend en retour sa musique.

Le piano muet de Jan Vercruysse, blanc couvert de bleu opalescent, est le signe d’une musique devenue silencieuse. Une série d’étranges instruments, les prothèses musicales de Baudouin Oosterlynck, vient démonter nos habitudes d’écoute.

Une grande salle abrite quatre pianos historiques dont l’un est recouvert d’une cage métallique, comme celle que Beethoven, dit-on, fit placer au-dessus de son piano pour tenter d’écouter encore sa propre musique.

Cette belle exposition qui rend à la fois hommage au musicien et à sa postérité créative se termine par deux fortes vidéos.
Jeremy Deller qui filme souvent les mouvements sociaux anglais, montre ici, une rencontre entre les musiciens du Beethoven Orchester de Bonn et des jeunes qui s’en vont sous la musique d’un Beethoven toujours aussi révolutionnaire, rejoindre une manif pour le climat.
Christian Marclay revient avec une vidéo silencieuse et ironique où un sourd interprète en langage des signes des articles de critiques musicaux.
« Il semble qu'on voie un dieu aveugle créer des soleils », disait encore Victor Hugo, de Beethoven.
En pratique
Où: à Bozar, à Bruxelles.
Quand: jusqu’au 17 janvier, ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h.
Mesures coronavirus: il faut réserver ses tickets avec un créneau horaire online (www.bozar.be) ou au 02/5078200.