Les Liégeois méritent leur exposition Giacometti
La mise en espace, à l’étage de la Cité Miroir, réserve une première surprise.
Publié le 28-10-2020 à 14h22 - Mis à jour le 28-10-2020 à 14h25
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La Fondation Giacometti de Paris, héritière d’Annette Arm, la veuve de l’artiste, a une fâcheuse tendance à multiplier les expositions Giacometti à travers le monde, au risque de banaliser cette œuvre magistrale.
Mais passons sur cette remarque préliminaire, tant il est vrai qu’une exposition Giacometti est, en soi, un moment unique à privilégier coûte que coûte! Les Liégeois ont mérité leur Giacometti et cette démonstration offre, en outre, une mise en œuvre et en espace plus inédite que d’habitude. C’est déjà une surprise.
Planches originales
On pourra certes avancer que l’accrochage est modeste : une bonne vingtaine de petits bronzes et une cinquantaine de lithographies du "Paris sans Fin", testament rétrospectif des allées et venues de l’artiste dans le Paris de l’après-guerre. Une suite de croquis publiés par Tériade trois ans après la mort de Giacometti. Les planches ne sont donc pas signées, mais elles ont toutes été dessinées par l’artiste sur du papier report. Ce qui aura permis leur transfert sur une pierre lithographique. Ce sont des estampes originales.
Sous le commissariat d’Emilie Bouvard, directrice scientifique à la Fondation Giacometti, la mise en espace, à l’étage de la Cité Miroir, réserve une première surprise : on y pénètre par l’atelier, reconstitué, du sculpteur. Un atelier presque misérable, qu’il occupa durant sa vie parisienne, de 1926 à 1965. Une adresse devenue mythique : 46, rue Hippolyte-Maindron, dans le XIVe arrondissement.
À la faveur de cette introduction, en tout cas originale, avec, aux murs, des plaques peintes à la hue, à la dia, par un Giacometti qui faisait flèche de tout bois, avec les sellettes, les matériaux, le désordre d’un lieu qui n’était qu’un domaine réservé à l’acte créateur, on peut mesurer dans quel dénuement, quelle fièvre, quelles vivacité et émotion, l’homme des Grisons allait à l’abordage de son ouvrage de sape.
De sape, car on sait combien, jamais content, il remettait mille fois sur le métier… avant de s’avouer insatisfait ! Il faut aussi relire l’admirable petit livre "L’Atelier de Giacometti", par Jean Genet (Éditions Gallimard), un modèle de concision et de vérité. On y est au cœur du métier, de sa quête spirituelle.
Petits, disposés sur une table de facture inédite, sorte de table miroir, on peut, bénéfice exorbitant, approcher d’assez près les sculptures (têtes et effigies) bien échelonnées par périodes. Et superprotégées, nous a-t-on dit. Néanmoins une sorte de réflexion des lumières empêche d’en bien mesurer les détails.
Autre bienfait, outre les cinquante-cinq planches de "Paris sans fin" disposées sur les côtés de la grande salle, un film magnifique, émouvant, tourné dans l’atelier par son ami Ernst Scheidegger, est à regarder religieusement. Giacometti, soudain, vit et œuvre devant nous. Ses doigts qui pétrissent la terre, qui façonnent un portrait, c’est comme si tout recommençait pour nous.
Giacometti - L’Humanité absolue Art moderne Où La Cité Miroir, place Xavier Neujean, 22, 4000 Liège. www.citemiroir.be et 04.230.70.50 Quand Jusqu’au 17 janvier 2021, du lundi au vendredi, de 9 à 18h ; samedi et dimanche, de 10 à 18h. Fermée les 1 et 11/11, les 24, 25, 31/12, le 1/1.

Catalogue, 180 pages illustrées, divers commentaires, 12 euros.