C’est ouvert ! Folon et le sacre de la troisième dimension
À l’image de ceux qui entrent en religion, Folon s’est investi dans la sculpture avec une absolue conviction.
Publié le 20-11-2020 à 17h14 - Mis à jour le 11-05-2022 à 15h19
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À l’occasion des 20 ans de sa création, la Fondation Folon annonçait pas moins de vingt événements dont le point d’orgue dut être la grande exposition "Folon. L’Etica della poesia" programmée dans un lieu emblématique : en plein cœur des Musées du Vatican, sur le parcours de la chapelle Sixtine. La partie est remise ! Et alors que tous les lieux d’exposition restent désespérément fermés, l’abbaye de Villers-la-Ville tire son épingle du jeu. Ses ruines et l’exposition de sculptures monumentales signées Folon restent accessibles. Un vrai réconfort en cette période de disette culturelle.
Illustrateur et peintre, Jean-Michel Folon (1934-2005) se lance dans la sculpture dès la fin des années 80. Cette nouvelle orientation répond à un perpétuel besoin d’ouvrir son champ d’exploration, de varier ses moyens d’expression… L’artiste commence par recycler des objets rencontrés au hasard des marchés aux puces : il récupère de vieilles crémaillères qui servaient à soutenir les planches dans les armoires anciennes, il les anime d’un petit visage pour en faire des "totems" fidèles à son esthétique de la simplicité. Folon multiple les expériences à partir d’objets déclassés qui l’inspirent, composant de nouvelles histoires dans une démarche proche du ready-made. L’exposition de Villers présente une pièce de 1992 (" Totem") qui incarne à merveille ses débuts, très largement inspirés des arts premiers.
Mais le véritable tournant intervient en 1990. Au retour de sa grande rétrospective au Metropolitan Museum of Art, il a le sentiment d’être arrivé à la fin d’une première mi-temps et se consacre avec passion à la sculpture. Il y avait néanmoins plusieurs signes avant-coureurs… L’artiste s’était déjà surpris avec quelques expériences préliminaires (bas-reliefs). De plus, sa réputation établie, il pouvait prendre plus de risques : sauter le pas de la troisième dimension. C’est ainsi qu’à l’approche de ses soixante ans, Folon entame une nouvelle vie : celle de sculpteur.
Fidèle à lui-même, il veut à tout prix éviter quelconque rupture. Il souhaite faire des sculptures dans le prolongement direct de son œuvre antérieur en mettant en volume son répertoire iconographique, ô combien familier : des mains ouvertes, des personnages au chapeau, des chat, des oiseaux, des valises…

Au grand air !
Folon aime placer ses sculptures en plein air. Il chérit le dialogue qu’elles peuvent entretenir avec la lumière. Une façon de faire vibrer les surfaces, d’introduire dans l’immobilité de la figure, une dynamique sans fin. Il aime créer de la complicité entre une œuvre et son environnement, privilégiant les éléments naturels (la végétation, la pluie ou le vent). Il aime aussi l’idée que le temps se charge de prendre le relais du sculpteur, faisant évoluer la patine au fil des saisons. Une façon de donner à la nature sa primauté sur l’homme, de lui laisser le dernier mot.
Les ruines de l’abbaye entretiennent avec les œuvres qui l’habitent un dialogue magique et mystérieux. La sacralité d’un lieu fascinait Jean-Michel Folon. Devant l’œuvre intitulée "Qui ?" (1999), on se souvient de la chapelle des Pénitents blancs (Saint-Paul de Vence, 2003) dans laquelle l’artiste révéla toute son étendue créative à travers la réalisation de mosaïques, de sculptures, de vitraux… La main ouverte que l’on rencontre à Villers est la même que celle servant d’autel dans la chapelle. Une main tendue vers l’autre, prête à donner et à secourir. Une main tournée vers le ciel, tout comme le petit personnage qui l’accompagne. Symbole d’élévation et de spiritualité.
On retrouve également le personnage massif avec chapeau et manteau que l’artiste avait créé dès les années 60. Toute la production de Folon est traversée par ce passant anonyme qui semble se demander où il se trouve. Un "Monsieur-tout-le-monde" se laissant contempler dans toute sa solitude. Autre pièce phare de la présentation, "Partir" (2002). Une valise creuse transportant un bateau, s’ouvrant comme une fenêtre sur les ruines de l’abbaye. Sublime métaphore de l’évasion. Et c’est en définitive ce que Folon propose au spectateur devant chacune de ses œuvres : faire un voyage spirituel vers ses propres souvenirs, vers ses propres désirs.
{{3}}En bref
Un Oiseau (1993, bronze). Le point de départ de cette sculpture ? Une ancienne poutre. Folon l'a redressée. La voilà debout comme l'arbre dont elle fut retirée. Folon prend ses outils. Il écaille la poutre qui vibre sous la lumière. Peu à peu, Folon s'approche du sommet et dégage une aile puis une seconde comme deux bras collés au corps d'un oiseau dont bientôt surgissent la tête et le bec, pointés vers le ciel. "Si je n'étais pas l'homme représenté dans mes images, j'aimerais être l'oiseau. J'ai toujours envie de m'envoler, de bouger, de partir dialoguer avec le vent." (Folon, in : Carnet du visiteur, p.38)
En famille ! Pour l'expérimenter avec une certaine régularité (souvent synonyme de témérité), emmener des jeunes enfants dans les musées est toujours un pari risqué. Ne pas crier, ne pas courir, ne pas toucher étant des conditions difficiles à faire respecter. Quel bonheur de visiter ces ruines emblématiques sans se transformer en agent de sécurité. Le grand air et la nature même des pièces exposées - des bronzes - participent largement au confort de notre visite. En plus d'offrir des conditions idéales pour une sortie familiale, les sculptures ne manqueront pas de stimuler l'imaginaire des plus petits à travers des objets présents dans leur vocabulaire (cuillère, fourchette, bateau, oiseau, chapeau…). Tendez l'oreille. Leurs interprétations sont un régal. Pas de doute, le papa très attentionné que fut Jean-Michel Folon aurait adoré les écouter !
Folon Sculptures Où Abbaye de Villers-la-Ville, rue de l'Abbaye 55, 1495 Villers-la-Ville. Réservation et achat en ligne vivement recommandés www.villers.be ou www.fondationfolon.be Quand Jusqu'au 21 février, tous les jours de 10h à 17h.
