Wallonie-Bruxelles : des jurys citoyens ont sélectionné 45 architectures exemplaires
Pour la toute première fois, des jurys citoyens ont sélectionné les 45 architectures exemplaires ici présentées.
Publié le 04-12-2020 à 18h14
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Initiée en 2010 par la Cellule architecture et WBA (Wallonie-Bruxelles Architectures), la collection des "Inventaires" publie tous les trois ans un livre présentant des architectures contemporaines. Commissaires de la 3e publication, Pauline de La Boulaye (historienne) et Gilles Debrun (architecte) imaginent une approche engagée et participative remettant en jeu le protocole traditionnel de l’inventaire.
Tout commence par un appel à projets déjà singulier. À la différence des livres du genre, les auteurs ne voulaient pas se contenter de parler d’architecture construite. Dans cette perspective, les candidatures étaient ouvertes à tous porteurs d’une initiative qui questionne l’usage du sol et du bâti (des projets artistiques, des expériences écoresponsables, de l’activisme…). Autant de démarches englobées sous un terme générique : "actions". Retours nombreux ! Les commissaires réalisent une présélection portée au nombre de 150 (sur 392 réponses reçues). Cent bâtiments. Cinquante actions. Rapidement, une cartographie des constructions retenues dessine trois constellations de bâtiments intéressants : Tournai, Liège et Pont-à-Celles. Trois épicentres complémentaires. Une ville patrimoniale, une métropole post-industrielle et une commune rurale.
Itinérances
De là s’enclenche tout un dispositif itinérant de camps de base - trois caravanes et une exposition didactique - sur les places publiques de ces villes. Une démarche unique qui pique la curiosité des habitants. Objectif ? Inviter "Monsieur et Madame Tout-le-monde" à co-construire ce livre en suscitant l’intérêt et l’implication de profils très variés. "Souvent, les livres d’architecture sont imaginés par des experts et lus par des architectes, dans un langage très codifié, rigide et académique. Or, tout le monde est concerné par l’architecture. On vit dedans, on travaille dans un bâtiment, on découvre d’autres villes… Nous y sommes tout le temps confrontés. Raison pour laquelle on voulait sortir de la caisse de résonance habituelle ‘les architectes parlent aux architectes’" (Gilles Debrun, commissaire). "Pour cela, nous devions d’abord travailler les outils (camp de base, kits de visite, critères d’évaluation…). Dès le départ, nous avons invité les ‘Habitant.e.s des images’(collectif porté par les artistes Adèle Jacot et Mélanie Peduzzi) qui ont imaginé et forgé des outils participatifs spécifiques." (Pauline de La Boulaye, commissaire).

Expériences in situ
Tels des "forains de l’architecture", Pauline de La Boulaye et Gilles Debrun fixent leurs caravanes et valises pédagogiques sur les places publiques de Tournai, Liège et Pont-à-Celles. Après le temps de l’étonnement vient celui de la rencontre, de l’échange. Objectif : amener les intéressés à visiter les constructions présélectionnées, à interroger les architectes et les usagers, à débattre de manière constructive… "Entendre les occupants du bâtiment, sur place, fait ressortir des choses bien au-delà des belles photos sur papier glacé. Je pense e.a. à une construction très esthétique mais inconfortable pour les occupants. Le bâtiment n’a pas été sélectionné. À l’opposé, la maison d’Olivier Camus a fait l’unanimité ! Tous les visiteurs ont compris la plus-value d’un architecte à travers un parcours et un travail de la lumière tellement ingénieux." (Gilles Debrun)
Délibération participative
De retour au camp, les organisateurs sélectionnaient les citations les plus éloquentes, alors épinglées sur des panneaux qui préfiguraient les pages du livre. Le dernier jour de l’étape, une délibération départageait les constructions retenues pour l’inventaire. Au terme de ce processus, 45 constructions exemplaires ont été désignées pour la première fois par des jurys citoyens (maisons, habitats collectifs, lieux de travail, équipements collectifs, espaces publics…). La seconde partie du livre éclaire 45 actions (occupations temporaires, projets artistiques, activisme urbain, expériences écoresponsables…).
L’histoire d’une aventure irrésistible. Un livre à mettre entre toutes les mains. Plus encore entre celles des blasés ou de ceux qui n’aiment par l’architecture. Réconciliation garantie !
Confidences
Bons joueurs, les auteurs ont accepté d’épingler leurs coups de cœur. Pauline de La Boulaye avoue une réelle affection pour le Préhistomuseum (Flémalle). "Ce projet coche toutes les cases des critères mis en place (social, environnement, gouvernance et esthétique). Aussi, il y a cette rencontre étonnante entre une architecture contemporaine et cet ancrage dans la Préhistoire avec des matériaux archaïques." Et pour cause : "Le bâtiment d’exposition-conservation est un écrin qui assume dans son expression ses fonctions. Il est construit en ossature bois avec remplissage paille, finition terre à l’intérieur, acier Corten à l’extérieur", précise l’architecte Gil Honoré. Le coup de cœur de Gilles Debrun ? "L’aménagement de Villers-la-Ville. J’applaudis l’intelligence, l’ingéniosité, la précision de la réalisation…" Le nouveau circuit passe en effet par le moulin dont l’escalier est incroyable pour se poursuivre dans la colline, passer au-dessus de la nationale et aboutir dans les ruines.
Binôme gagnant
Une historienne et un architecte. Deux professions qui ne parlent pas la même langue, différence dont ils ont fait une force. Lorsque Gilles Debrun répond à l’appel pour le commissariat du projet, il sait d’emblée qu’il ne veut pas travailler avec un(e) architecte. Il sollicite Pauline de La Boulaye, historienne au parcours organique. Cette dernière multiplie les expériences professionnelles la confrontant sans cesse à la question de l’architecture. Leur binôme fonctionne à merveille ! Tous deux se complètent et se bousculent, entraînant régulièrement l’autre hors de sa zone de confort. Une relation faite d’échanges et d’écoute. Définitivement constructive.
Architectures Wallonie-Bruxelles Inventaires #3 Sous la direction de Gilles Debrun&Pauline de La Boulaye, avec la participation de Habitant.e.s des images. Ed. Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 2020, 384 p. Prix 25 €.
