La "sculpture documentaire" pour ressentir le réel
Au Centre Tour à Plomb à Bruxelles, Pierre Larauza nous fait sentir des grands événements sportifs et des drames.
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Publié le 01-01-2021 à 11h06 - Mis à jour le 04-01-2021 à 15h13
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La démarche de Pierre Larauza qui fut un temps architecte au bureau L’Escaut avant de s’intéresser à la danse et puis aux arts plastiques, est pour le moins originale. Il l’expose au Centre Tour à Plomb au coeur de Bruxelles dans une salle plongée dans l’obscurité.
Il veut nous faire ressentir des grands moments sportifs ou dramatiques dans une sorte de chorégraphie d’objets qu’il appelle « sculpture documentaire », concept qu’il théorise dans l’écriture d’une thèse universitaire en art et sciences de l’art (ULB et Académie des Beaux-Arts de Bruxelles).
Il nous montre des moments célèbres, abondamment commentés à la télévision, mais auxquels on n’a jamais pu se confronter directement.
On peut ainsi revivre le saut en longueur historique à 8,95 m de Mike Powell à Tokyo le 30 août 1991 à travers la décomposition du mouvement des chaussures de l’athlète (comme dans un film de Muybridge mais ici en 3D), des chaussures multipliées pour mieux reproduire ce saut inouï. Ce ballet de chaussures surmonte la reproduction de la piste d’élan et du bac à sable nous montrant physiquement cet exploit qu’on croirait impossible quand on le revoit ainsi en grandeur nature, tandis qu’une archive sonore diffusée en boucle donne l’enthousiasme ce jour-là des commentateurs. Tout y est sauf l’athlète…
Violence policière
Ses sculptures documentaires tentent de figer un instant de l’espace-temps, pour en montrer la beauté sportive ou tragique, mais aussi la réalité comme aucun film ou photographie ne pourraient le faire.
Au centre de la salle, il a construit un mur de 2,24 m de hauteur, symbolisant la barre que Dick Fosbury avait franchie au JO de Mexico en 1968 grâce à sa technique révolutionnaire de rouleau dorsal. Devant ce mur, chaque visiteur peut mesurer l’exploit que ce fut.
Comme pour Mike Powell, il a reconstitué aussi par une chorégraphie de patins à glace cette fois, l’exploit de la patineuse française Surya Bonaly aux JO de Nagano en 1998 avec son saut fabuleux mais refusé par le jury.
Il utilise aussi sa méthode pour nous faire sentir ce drame insupportable survenu le 22 novembre 2014 à Cleveland lorsqu’un enfant noir jouant avec un pistolet jouet fut abattu à bout portant par un policier blanc qui croyait qu’il s’agissait d’une arme véritable. Il a reconstitué en plâtre et suspendus dans les airs, l’arme du policier et le trajet si court de la balle vers l’enfant dont on ne voit que le pistolet factice dirigé en plus vers le sol, tandis qu’on réentend l’enregistrement où un témoin alerte la police sur ce qu’il pense n’être qu’un jeu d’enfant mais pourrait être dangereux. Une bavure dans laquelle la couleur de peau de l’enfant joua un rôle déterminant.
Pierre Larauza, au centre Tour à Plomb, 24 rue de l’abattoir, 1000 Bruxelles, jusqu’au16 janvier. De 10h à 19h, fermé le dimanche. Entrée gratuite, réservation sur le site.