Du vernaculaire à l’art
Chez Rossi Contemporary, la complicité du photographe Bert Danckaert et du sculpteur John Van Oers pour sublimer la trivialité de la rue.
Publié le 04-01-2021 à 15h15
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Au Rivoli, le tableau exposé en vitrine chez Rossi Contemporary (et en Une du présent Arts Libre) est tout simplement sublime. Sur fond blanc, la bande bordeaux et les quelques taches de gris pourraient être attribuées à un artiste minimaliste. Dans leur facture originelle, on ne doit pourtant ces couleurs qu’à d’obscurs peintres en bâtiment qui en ont recouvert un mur et à un ouvrier approximatif qui a recimenté celui-ci à la va-vite. Dans la présentation actuelle, on les doit en fait au photographe Bert Danckaert qui a eu l’œil - on devrait même dire le nez creux - pour évaluer le potentiel de beauté de ce coin de rue quelconque de La Havane.
Sublimation
C’est précisément la sublimation de la trivialité qui est au cœur de "Quizás, Quizás" l’exposition de Bert Danckaert, mais aussi du sculpteur John Van Oers chez Rossi Contemporary. Les deux artistes ont en effet travaillé autour de cette même idée lors d’une résidence commune à Cuba l’an passé, ce qui nous vaut aujourd’hui un face-à-face cohérent entre les ready-mades photographiques de l’un et les sculptures aux allures de maquette de l’autre. À la capacité du premier de nous faire ressentir l’épaisseur temporelle des bâtiments délabrés répond celle du second de nous émerveiller avec des réductions d’objets fonctionnels pourtant insignifiants à première vue. Pas question cependant pour Van Oers de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : "La beauté en tant que telle est ennuyeuse et dénuée de sens. C’est peut-être pour cela que je choisis souvent comme sujet le côté le moins beau de l’existence et que je comble de beauté cette laideur, comme une tromperie." Autrement dit pas question pour lui d’être le vecteur d’une esthétique convenue, ni même de la beauté préexistante. Ce qui l’intéresse, c’est la transmutation par ses mains de la réalité triviale.
Essentiel
De ce qu’il a vu, nous restent des représentations épurées d’autant plus fortes qu’elles apparaissent menues et fragiles. Présentées à côté des photographies de Danckaert, elles semblent souvent en être la version condensée, une forme semblable ramenée à l’essentiel. De la même façon peut-on dire de ces photographies-là qu’elles font fi de l’imagerie baroque, aujourd’hui ô combien stéréotypée, de La Havane pour se concentrer sur les strates du vernaculaire les plus significatives de l’histoire cubaines des sept dernières décennies. En ce sens, tout en étant des œuvres accomplies, elles tendent vers une archéologie du visuel. Ce qui n’est pas moins passionnant.
"Quizás, Quizás" de Bert Danckaert et de John Van Oers Photographie et sculpture Où Rossi Contemporary, Rivoli Building, 690, chaussée de Waterloo, 1180 Bruxelles. www.rossicontemporary.be Quand Jusqu’au 20 février, jeudi et vendredi de 13h à 18h, samedi de 14h à 18h.
