De quand date la chaise sur laquelle vous posez vos fesses ?
Le design, ce n’est pas qu’une histoire d’objets. Ce que le design dit de nous est au centre d’une expo au Design Museum Brussels. On file voir.
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Publié le 05-01-2021 à 17h23 - Mis à jour le 05-01-2021 à 17h38
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Êtes-vous déjà allé visiter l’ADAM ? L’Art and Design Atomium Museum ? Non ? Ce n’est pas grave, il a juste changé de nom : c’est le Design Museum Brussels désormais. Qui, cherchant à revenir à ses fondamentaux, propose une exposition consacrée au design belge. Une expo pédagogique qui crée des ponts et des discussions entre les nombreux objets sortis tout droit de l’imagination des architectes et designers du plat pays. On s’explique.
Chaque époque a sa chauffeuse
Trois pièces, dites toutes trois “chauffeuses”, vous accueillent. Une chauffeuse, pour rappel, c’est selon Larousse, “une chaise basse, à haut dossier, pour s’asseoir près du feu”. Mais une définition ne dit rien de la conception de l’objet, ni de l’époque qui la crée selon ses besoins du moment.
La chauffeuse de 1932, signée Huib Hoste, a tout de son époque Art déco, dans les lignes à la fois géométriques et le bois sombre, intense. Fidèle à sa définition, elle a une assise basse et un dossier qui protège des courants d’air. Une même chauffeuse est proposée cette fois-ci, en 1958, par Meurop, l’équivalent belge d’Ikea – qui a moins bien marché que le suédois. Vu l’époque, on cherche à s’asseoir au jardin dans une démarche qui s’ouvre aux loisirs, d’où les formes généreuses et ergonomiques de la chauffeuse Meurop. À leurs côtés, la troisième chauffeuse, signée Maarten Van Severen pour Kartell, en plastique translucide fluo, suit, quant à elle, les lignes courbes du nouveau millénaire en quête d’un design qui claque dans des intérieurs qu’on décore pour se distinguer en tapant fort.

Arnaud Bozzini, directeur du Design Museum Brussels, éclaire la démarche : “C’est une expo laboratoire qui donnera lieu à d’autres expos, qui devraient se succéder dans le temps pour aboutir à une histoire plus globale du design en Belgique. Mais ce qui nous intéresse, c’est de travailler en dialogue avec le public. On travaille avec des focus-groupes, on leur montre les expositions, et on leur demande ce qu’ils aimeraient apprendre sur le design.”

Adaptabilité et design qui claque
Et l’expo déroule l’histoire du design belge à travers les enjeux qui jalonnent la création des objets. “Dans les années 50, poursuit Arnaud Bozzini, le plastique entre dans le monde du design. On l’observe avec une production en série des chaises américaines Knoll, éditées pour le Benelux par la marque De Coene. Avec la production en série des fameuses chaises dites Tulip au design qu’on a tous dans l’œil, c’est le début du plastique dans le mobilier”. Jusque-là, le plastique, s’il était exploité dans le design, servait surtout à colorer le monde nouveau de l’électroménager – on pense aux fers à repasser en forme de vaisseaux spatiaux Nova et aux presse-agrumes jaune citron de nos mémés. Et quand le plastique prend part au mobilier, souvent, c’est pour imiter une matière plus noble. Ce sont les meubles en faux bois, et toute la ribambelle des formica plus ou moins habilement imités.
Dans le courant du XXe siècle, “on va s’émanciper de l’instrumentalisation du plastique pour l’assumer complètement”, raconte Arnaud Bozzini. Le plastique, ces cinquante dernières années, a d’autres choses à raconter : le prix du matériau en fait un argument pour booster la consommation de masse et habiller les intérieurs belges. Sans compter qu’il possède des qualités pour colorier l’espace de vie : on pense notamment au fauteuil rigolo Pastilli, espèce de gros siège comme fabriqué dans un Smarties géant, et inventé par le Finlandais Eero Arnio puis édité par la firme belge Didak.

En avançant dans l’histoire du XXe, le design doit aussi s’adapter aux intérieurs de toute taille – la classe moyenne parvenant désormais à s’équiper. C’est toute la question de la modularité des objets. On pense notamment au portemanteau de Jules Wabbes en 1957, adaptable en fonction de la situation et de la maison, ou, plus proche de nous, la lampe Nomad d’Alain Gilles que l’on pose tout aussi bien sur une terrasse bruxelloise bobo, que dans l’attirail du campeur. “La modularité, et l’adaptabilité sont devenues les caractéristiques du design depuis les seventies jusque dans notre époque”, analyse Arnaud Bozzini. Cette multifonctionnalité des objets, leur adaptabilité, la facilité à les consommer (avec le prix copain et le principe du kit, dont le roi est Ikea) n’a cependant pas évincé les pièces de design qui prônent l’esthétique en soi. Ce qu’on nomme design total, qui tape à l’œil, comme le démontre le porte-parapluies de Xavier Lust, ou la lampe-sculpture de Martine Canneel. Des pièces de notre intérieur qui ont tout l’air d’objets-sculptures, et qui donnent aux objets du quotidien une véritable valeur esthétique et artistique.
Design Museum Brussels, plaine du Heysel. Du vendredi au lundi, de 11h à 19h. Jusqu’au 3 octobre. Infos : https ://designmuseum.brussels