Regards croisés sur les splendeurs venues du Congo, entre beauté et histoire
Anvers expose au MAS, cent pièces maîtresses de sa collection d’art congolais et évoque la restitution.
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Publié le 06-01-2021 à 08h18 - Mis à jour le 06-01-2021 à 08h20
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L’excellente exposition au MAS à Anvers, 100 x Congo, un siècle d’art congolais à Anvers, doit être visitée de deux manières. La première est la plus évidente: on découvre sur tout un étage de la tour du musée MAS, dans une belle scénographie, une centaine de superbes objets d’art choisis parmi les 5000 objets de la collection d’art congolais de la ville d’Anvers : masques, statuettes, haches de cérémonie, objets utilitaires, objets de pouvoir, fétiches, symboles de fertilité, masque d’initiation, etc.
Cette exposition qui se prolongera jusqu’en septembre, célèbre les cent ans du début de la collection quand la ville acquit en 1920, 1600 objets achetés à Henri Pareyn et reçut la même année une donation du ministre des colonies Louis Franck. La collection s’est agrandie par la suite grâce à des dons en partIculier de missionnaires.
Les pièces sont exposées selon leurs peuples d’origine, couvrant ainsi quasi tout le Congo actuel: Kongo, Teke, Pende, Chokwe, Kuba, Songye, Luba, etc.

On admire la beauté des artistes, on cite même leur nom quand dans des cas rarissimes on le connaît, comme celui du sculpteur Kadyaat Kalool. On ne peut qu’être subjugué par la beauté de cette statue d’un ancêtre Hemba, cette statuette de femme Songye, ce masque royal féminin Kuba avec des traces de larmes, ces très rares statuettes Kuba en fer, de personnages aux mains disproportionnées.
Zoo humain
Chaque visiteur reçoit dans sa langue un guide très complet expliquant chaque pièce avec sa fonction et n’hésite pas à indiquer sa provenance si on a la preuve qu’il y a eu spoliation : c’est le cas par exemple d’une statue de pouvoir (nkishi) du chef Songye Nkolomony tué par les Belges pour s’être rebellé. Sa statue fut alors volée par les Belges et s’est retrouvée en 1923 en possession du Belge Paul Osterieth.

Mais la plupart des pièces exposées ont été achetées ou reçues à l’époque sans aucune référence sur leur provenance et sur les conditions de leur acquisition. Un travail de recherche est encore nécessaire quand il est possible.
Cette exposition a été préparée par des chercheurs, artistes et vidéastes belges, belges d’origine congolaise et congolais Elle est introduite par un tableau de Cheri Samba, Hommage aux anciens créateurs.
La seconde manière -concommitante- de visiter cette expo est de regarder et lire les nombreux documents placés tout autour de la salle d’exposition et qui racontent des siècles de rapport entre l’Europe et le Congo. Avec des documents du XVIIe siècle indiquant la présence à Anvers de bateaux d’esclavagistes, mais aussi les premiers portraits dAfricains par Rubens et Jordaens.
On raconte aussi avec des affiches, photos et documents, Anvers pendant la période coloniale. Lors des deux expositions universelles, la ville présentait de vrais zoos humains avec des Congolais amenés pour jouer comme on l’exigeait, le rôle de colonisés: trajets en pirogue, poses avec lances, etc. Dans le zoo humain de 1894, où se retrouvaient 144 hommes, femmes et enfants, 44 tombèrent gravement malades et huit moururent et furent enterrés au cimetière de Kiel.
La restitution
Cette histoire évoque aussi le rôle des missionnaires, le syncrétisme de symboles comme le crucifix.

Le guide que les visiteurs reçoivent le dit : le MAS, qui dépend de la ville, "est ouvert aux questions officielles du Congo pour la restitution des objets d’art et utilitaires ». Aucune demande officielle en ce sens n’est encore venue du gouvernent de Kinshasa. Le MAS « ne décidera pas lui-même quels objets peuvent faire l’objet ou non d’une restitution, ce serait une approche paternaliste ». Le MAS ouvre le débat à son tour, « la décision devrait appartenir au Congo et la décision finale de restitution de certains objets appartient à la ville d’Anvers".
Les commissaires de cette belle exposition soulignent aussi l’importance pour la diaspora congolaise en Belgique comme et pour les Afro-descendants de pouvoir y retrouver leurs racines.
100 x Congo, au MAS, à Anvers, exposition prolongée jusqu’au 12 septembre