Calvin Marcus : transcender la banalité
Calvin Marcus préfère l’absurdité à la banalité : il brouille les pistes, joue avec la représentation, taquine nos interprétations.
Publié le 18-01-2021 à 16h26 - Mis à jour le 20-01-2021 à 17h07
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Pour sa toute première exposition personnelle à Bruxelles, Calvin Marcus (né en 1988 à San Francisco, vit et travaille à Los Angeles) présente une douzaine de compositions - réalisées entre 2018 et 2020 - souvent réduites à l’essentiel. Si l’artiste travaille généralement en séries, ses toiles s’observent ici comme autant de récits autonomes. Et pourtant, aussi différentes soient-elles, les œuvres se répondent dans un dialogue subtil multipliant les clins d’œil complices. Fil conducteur ? Cette capacité à sublimer des éléments d’une grande banalité dans des compositions qui ne manquent pas de nous interpeller.
Dès la rencontre, foudroyante, avec cet arbre pulvérisé (Tree&Sky, 2019), nous observons quelques ingrédients récurrents de la pensée plastique de l’artiste : des fonds - souvent monochromes - jouant la carte de la sobriété, un emploi libre et décomplexé des couleurs, quelques brins d’herbe qui reviennent régulièrement, mais aussi - et surtout - cet usage inédit de l’aquarelle. Une technique capricieuse, habituellement réservée au papier et aux petits formats, qu’il transcende totalement en l’apprivoisant sur des toiles monumentales. Calvin Marcus la complète de quelques passages à l’huile qui viennent apporter de la densité.

Bestiaire surréaliste
Les animaux tiennent une place souvent centrale dans sa pratique. Œuvre marquante, cette toile représentant un pré habité de vaches (Cows +/- 30 %, 2020). Scène ô combien banale… Mais à l’observer de plus près, on remarque que l’artiste a imaginé sa composition à l’instar d’un miroir. Chaque vache répond à son "double", comme autant de reflets de l’autre côté de la barrière. L’artiste taquine le spectateur en trichant avec les échelles, les perspectives…
Autre œuvre phare, Frog&Plane (2018) : une silhouette de grenouille observe, hagarde, un avion commercial traversant un ciel violet. Une toile que l’on peut interpréter comme l’évocation d’un désir de connexion ou comme la figuration d’un dialogue impossible. Chacun défendra sa propre interprétation, comme face à cet éléphant allongé sur la plage (Beach Elephant, 2020). Les plus pessimistes y voient un animal mort, les autres observent un pachyderme apaisé profitant du bruit des vagues s’échouant calmement à proximité. Une œuvre plus personnelle : Calvin Marcus l’a réalisée au retour de vacances au Mexique. L’artiste tente ici de représenter l’état dans lequel il se trouvait sur place : calme et apaisé.
Le peintre adore mettre le spectateur dans un état de confusion… Confusion face à ce paysage anthropomorphe aux allures d’entrejambe féminin (Pink Landscape, 2020). Le relief vallonné se fond avec les courbes sensuelles, l’herbe suggérant de manière évidente la pilosité. La représentation d’une terre mère étroitement liée à la fertilité. Plus loin, gros plan sur le bas-ventre d’un homme nu, jouant avec son chien, au saut du lit (Entertaining a Dog, 2020). Rien de vraiment anormal… Et pourtant, le représenter - et plus encore en employant ce cadrage spécifiquement audacieux - nous laisse perplexe. Une fois encore, l’artiste nous place dans une drôle de situation.
Plus désarçonnant que de ne pas savoir précisément ce que l’on voit (ses œuvres peuvent régulièrement se lire de différentes manières), on ne sait pas ce que l’on ressent. La même toile peut nous paraître, tour à tour, drôle, enthousiasmante, étonnante ou vraiment "malaisante"… Toute la difficulté étant de se situer dans ce chaos d’émotions. Seule certitude : toute sa production, d’une complexité absurde, porte en elle un décalage surréaliste qui n’est pas sans rappeler les grands artistes de notre pays.
Calvin Marcus. Everything going through itself Peinture et sculpture Où Clearing, Avenue Van Volxem 311, 1190 Forest www.c-l-e-a-r-i-n-g.com Quand Jusqu’au 30 janvier, du mardi au samedi, de 10h à 18h.
