Un Geluck peut en cacher un autre
Philippe, on connaît, et son art de l’absurde monte à l’assaut, sourire à foison. Secret, Jean-Christophe Geluck la joue solidaire.
Publié le 18-01-2021 à 16h14 - Mis à jour le 18-01-2021 à 16h43
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Pour ceux et celles qui ne connaissent que le premier, qui est aussi le plus jeune de cette fratrie engagée en art depuis ses premiers pas, grâce à un père communiste et clairvoyant, le second mérite plus que de l’attention. Il confie un contraste frappant et déterminant à ce double d’envergure qui signe là une victoire sans façon : une double roue de bicyclette à l’encontre d’un virus qui atomise les énergies fécondes.
Les deux frères, copains comme cochons sous des dehors sans affect, tablent, c’est une première, sur la notoriété du premier pour galvaniser celle du second et les deux étages de la galerie, complices avec les deux, leur offre des espaces heureusement assortis de félicités, de surprises, d’inattendus, de sourires en coin. Grâce soit rendue à ces frérots qui ont décidé de s’amuser ensemble et de nous divertir mêmement !
L’affiche, conçue par Philippe, parle déjà de soi. Elle est charmante et témoigne d’une connaissance assez parfaite des deux belligérants. Regard plutôt ahuri, espiègle, pour Philippe, visage rentré, profond, pour Jean-Christophe, l’un et l’autre - du Chat à l’écriture intérieure - tablant ensemble sur un accrochage qui, racontant un peu leur parcours à tous deux, est aussi un résumé frappant de leurs passés et d’un avenir qu’ils escomptent rayonnant.

Chat va-t-il plaire ?
Quelque peu caché, discret, à l’arrière du rez-de-chaussée, un petit mur tranquille, forcément sympathique, nous en livre un peu plus sur l’un et l’autre. Philippe a même écrit un texte pour expliciter, sourire entendu, la partie qu’ils jouent en duo depuis qu’ils sont venus au monde.
Le ver, luisant, était dans le fruit, la maman des deux Geluck, Lucile, ayant suivi des études de chant au Conservatoire et le papa, Didier, s’étant adonné au dessin à l’Académie des Beaux-Arts. S’étant rencontrés sur le chemin des arts, ils mirent au monde des enfants promis à l’échéance artistique : Jean-Christophe, surgi le premier, en 1947 et Philippe, à peine à la traîne en 1954.
À cette époque, Didier avait publié des centaines de dessins et caricatures dans la presse, quand, en 1953, il s’embarqua dans une aventure de distributeur de films qui ne l’empêcha pas, au contraire, d’initier ses deux gamins aux vertus et surprises des arts plastiques. S’il leur fit découvrir Rembrandt, Greco ou Goya, mais aussi Soulages, il ne lésina pas davantage sur Sempé, Steinberg ou Ungerer et les affiches de l’Est.
Nantis d’un pareil bagage, les frérots entrèrent dans la vie courante farcis de références. Philippe fut comédien, homme de radio et de télé, tout en dessinant et de "Plume" au Chat, il n’y eut qu’un pas franchi en 1983. Tandis que, plus réservé, Jean-Christophe mena une carrière de graphiste d’élite avant, sur le tard, de dévoiler les peintures qui s’étaient ancrées en lui.

Les joies de l’escadron
Firent-ils leur service militaire ou, bonheur incommensurable, évitèrent-ils à temps les fausses joies de l’escadron ? La question ne se pose pas. C’est aux cimaises que se mesure leur propension à sortir, l’un et l’autre, des sentiers battus et à fourbir des armes plus plaisantes à décrypter que celles qu’on nous montre aux quatre coins du monde, la main sur le képi.
Pour mieux mesurer la vérité de leur parcours à quatre mains particulières, un dessin de Jean-Christophe commis à la naissance de Philippe, avec parents et grands-parents en toile de fond, illustre une complicité naissante, tandis que, vers ses huit ans, Jean-Christophe y allait d’un portrait de son frère… Suivent des autoportraits, l’un plus goguenard, l’autre plus épidermique.

De plain-pied
On entre ensuite de plain-pied dans le vif du sujet et, tandis qu’une grande peinture volante, toute bleue, de Jean-Christophe nous indique combien formes et lignes concourent à la mise en place et en scène d’un type de peinture qui fait largement appel aux voix intérieures, dynamiques et musclées, parfois plus noires et parfois plus claires, références aux états d’âme du moment, une peinture énigmatique de Philippe montre à la fois son amour des peintures de Soulages, le grand ancêtre, et sa faconde à transformer la réalité pour en dégager une vérité tonique : "Panne de courant au Musée Soulages", oui mais, "Ça reste beau".
Des bronzes du Chat ornent les façades du lieu et des postures colorées du Chat golfeur, du Chat ceci ou cela, courent à travers l’espace, minous facétieux.
À l’étage, changement de décor, Philippe Geluck nous accueille avec un tableau qui dit tout en quelques drippings assortis de miaulements expressifs : "C’est un grand honneur pour moi d’être accueilli à la Fondation Pollock." Coups de griffes sympathiques à Lucky Luke ou à Tintin, on en revient aux collusions entre les deux frères et aux premières affiches de Jean-Christophe pour le Théâtre Hypocrite, où jouait Philippe. Graphiste pour la revue Le Rail du personnel de la SNCB, Jean-Christophe confie avoir eu l’audace de demander à Philippe un dessin, un Père Noël, pour la revue festive de la fin de l’année…
Aujourd’hui, Jean-Christophe l’avoue : "Quand j’ai vu l’affiche qu’a concoctée Philippe pour notre première exposition collégiale, j’ai eu la larme à l’œil. Je pourrais dire que Philippe est un homme de lettres, quand je suis dans la non-pensée."
Dans ses nouveaux tableaux, Jean-Christophe ajoute volontiers des bleus, des rouges, des blancs à ses noirs et son univers est une découverte positive pour nombre des visiteurs venus, mais oui, pour Philippe. Lequel à la toilette y va d’une remarque incongrue pour les pisse-vinaigre : "C’est à pisser de rire !"
Les Geluck Brothers méritent votre visite !
Un Geluck peut en cacher un autre Art contemporain Où BelgianGallery, place d’Armes, 8, 5000 Namur. Portable : 0486.25.95.25 Quand Jusqu’au 27 mars, les samedis, de 14 à 18 heures et sur rendez-vous.