Les jongleries géométriques de Félix Hannaert
L’art de la couleur et de la transparence par le biais de figures géométriques.
Publié le 20-01-2021 à 17h23 - Mis à jour le 28-01-2021 à 14h04
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Félix Hannaert est un timide. On comprend vite que l’homme scrute le visiteur, s’inquiète avant de parler, ne parle pas pour ne rien dire, va à l’abordage de ses œuvres en s’inquiétant de leur impact sur qui les regarde.
Son art ne se crie pas sur tous les toits. Il faut l’éprouver sur un mur, voire dans un grand livre qui reprend ses ébauches, en quelque sorte son alphabet, lequel se décline, miracle de la découverte dans l’atelier d’un créateur, en une suite de volumes répertoriés comme un appendice livresque de la main de l’homme sur le papier. Un enchantement. Une félicité.
L’art si prégnant de Félix Hannaert s’inscrit dans une sorte de déclinaison géométrique qui, depuis un siècle, approfondit toutes les variantes d’une configuration dans l’espace en appelant à ces figures, plus ou moins élémentaires, à la base de toute construction.
Pour nous qui n’avions, avouons-le, aucun attrait pour le cours de géométrie que nous prodiguait un professeur rivé à ses dogmes, les géométries, comme les pratique Hannaert, sont, au contraire, d’intenses moments de poésie, ses architectures chromatiques reconfigurant, comme à plaisir, un espace qui ne nous avait jamais paru aussi ouvert sur une lumière aussi joliment organique.
Poésie et transparence
Félix Hannaert n’écrit point de mots mais la poésie, qu’il lit par passion, le guide souvent pour démarrer une œuvre nouvelle, lui donner l’impulsion requise pour que son bras s’élève en quelque sorte vers les étoiles…
Poésie et transparence sont deux maîtres mots dans cet art dépouillé au-delà de toute surenchère. Cet art secret qui ne s’explique ni par des mots, ni par des formules. Cet art qui surgit sous vos yeux avec la force de conviction d’être là parce qu’il le fallait, et fallait peut-être à ce moment-là.

Hannaert est un inspiré chronique par sa foi en un exercice d’artisan que complète la grâce innée du "débarbouilleur" de surenchères. Point de trop peu, pas d’excédent. "Je commence souvent le matin quand me vient à l’esprit un poème entrevu. Je lis aussitôt ce poème, m’en imprègne, puis quitte l’atelier pour boire un bon café. Après quoi, je remonte et me mets à l’ouvrage. Des connexions se mettent en place."
L’ouvrage n’est pas de tout repos, même si, à l’arrivée, tout paraît lisse, concret, lumineux pour tout dire… "Au début, je prends un pinceau ou une brosse, je trace en quelque sorte la base de ce que je veux entreprendre. Ensuite, je tamponne le tout avec un mouchoir en papier. Au début, je ne fais donc que des taches !" Inimaginable quand on voit le produit fini ! "Je reviens ensuite sur l’ébauche en faisant attention à ne pas en arracher la couleur. Et je reprends le tamponnage, dont l’intensité variera en fonction de la température ambiante. Je sens où je vais !"
Et Hannaert de préciser ce qui ne se voit pas et constitue pourtant la base du travail : "On ne mesure pas assez l’importance de la main. Elle est tellement essentielle dans la peinture. Oui, j’aime cette part artisanale qui rejoint la part intellectuelle du mobile créateur."
Un très beau lieu
Félix Hannaert se dit ravi d’exposer dans une galerie qui, avec ses larges espaces tout de blanc vêtus, ses hauts plafonds, ses lumières ajustées, permet à l’œuvre aux cimaises de s’éclater. De se libérer. De rayonner. De donner envie au visiteur d’approfondir sa visite en montant à l’étage.
Dans les salles du bas, de plus grands tableaux semblent jongler entre carrés et rectangles et leurs couleurs printanières - du rouge, de l’orange, du rose, du jaune, du vert, du mauve - semblent défier, avec la superbe de l’inattendu, l’air gris, humide, de l’extérieur.
C’est l’hiver au dehors, un vrai printemps au-dedans. La peinture apparaît pure, sans bavures. D’autres tableaux se jouent autour de bleus et de mauves. Comment ne pas jubiler !
Dans le couloir, variation d’ambiance : c’est à de petits tableaux aux couleurs légères, dominées par les blancs, qu’Hannaert confie son destin de manieur d’émotions.
À l’étage, autre décor encore : des oranges, des jaunes, des beiges s’en donnent à cœur joie, mauves et bleus en embuscade.
Félix Hannaert "Lumières" Art contemporain Où Galerie Faider, 12, rue Faider, 1060 Bruxelles. www.galeriefaider.be et 02.538.71.18 Quand Jusqu’au 6 février, du mercredi au samedi, de 14 à 18 heures.
