Les profondeurs de la surface
Ron Gorchov et Otis Jones rejettent tous deux la toile conventionnelle au profit de surfaces tridimensionnelles.
Publié le 20-01-2021 à 17h14 - Mis à jour le 28-01-2021 à 14h04
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Accrochage inédit, cette exposition de la Fondation CAB éclaire la connivence évidente entre le travail de Ron Gorchov (1930-2020) et celui d’Otis Jones (°1946). À l’heure du minimalisme, tous deux rejettent le format traditionnel de la toile pour lui donner une dimension sculpturale, tridimensionnelle.
Après s’être installé à New York dans les années 50, Ron Gorchov commence à explorer la tension induite par des toiles courbées et tendues sur des structures convexes et concaves. Ces structures courbes, délicatement inclinées vers le spectateur et dont il imaginera d’innombrables variations, se rapprochent tantôt du bouclier, tantôt de la selle de cheval. Le plus souvent, il limite sa palette à deux ou trois couleurs élémentaires par tableau, en appliquant des couches très liquides si fines qu’elles laissent apparaître par transparence le dessin préparatoire. Sur cette surface colorée, l’artiste pose fréquemment deux formes biomorphiques se répondant en écho. Aussi, comme ses titres l’attestent, Ron Gorchov puise sans réserve dans l’histoire et la mythologie, empruntant régulièrement des noms de dieux ou issus de récits antiques (Theseus, Euryale, Callisto…). L’espace expose également une Stacked Painting, soit un empilement de boucliers monochromes, décalés dans leur superposition. Une production dont le minimalisme de la composition est inversement proportionnel à la complexité du support.
Source d’inspiration
La pratique de Ron Gorchov inspirera toute une génération d’artistes cherchant à investir différemment l’espace pictural. Parmi eux, Otis Jones. Dans un processus plus instinctif que calculé, Jones fabrique des châssis aux bords arrondis et irréguliers. Ses matières premières ? Des débris de bois ramassés sur des sites de construction. Sur ces structures de bois empilées, l’artiste vient tendre une toile ressemblant à des peaux de tambour qui empruntent autant aux techniques de certains masques africains qu’il collectionne qu’à la simplicité du Bauhaus qu’il affectionne. Comme son aîné, Otis Jones ne masque pas le processus de création, laissant les coulées de colle et les agrafes apparentes. Mieux, il en tire parti pour donner un caractère incisif à son travail et s’installer en opposition avec la conception de la perfection dans l’art. Sur la toile, l’artiste joue sur l’accumulation et l’effacement des couches de couleurs. Les formes, réduites à l’essentiel, placent le spectateur dans un état contemplatif qui confine à la méditation.
Autre trait commun entre les deux plasticiens, le support et sa "physicalité" sont peut-être plus passionnants que les éléments représentés. Réalisé en collaboration avec les enseignes Maruani Mercier et Sorry we’re closed, cet accrochage généreux et d’une extrême cohérence sonne véritablement comme une évidence.
Ron Gorchov & Otis Jones Techniques mixtes Où Fondation CAB, rue Borrens 32-34, 1050 Ixelles. www.fondationcab.com Quand Jusqu’au 27 février, du mercredi au samedi de 12h à 18h.
