Les ados se dévoilent à travers leurs objets : biopsie d’une génération
À découvrir, dans le cadre de l'installation "Êtres & Avoirs", dans les espaces du Musée des beaux-arts de Tournai.
Publié le 26-01-2021 à 09h50 - Mis à jour le 21-05-2021 à 17h35
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Quel rapport les adolescents entretiennent-ils avec leurs objets ? C’est autour de cette question que s’articule une succession de dispositifs – plastiques, vidéo, photographiques ou encore performatifs – convoquant la mémoire, la narration et l’intime.
Cœur battant de l’événement, l’atrium du Musée des beaux-arts de Tournai présente (avec le soin cher aux musées) une série d’objets d’une relative banalité… À nos pieds, une mind map recompose visuellement quelques récits. Nous déambulons dans ces espaces mentaux, écoutant leurs histoires entre souvenirs réels et éléments de fiction.
La deuxième salle explore la parure, enjeu crucial de l’adolescence. Bien plus qu’un langage, qu’une seconde peau, le look apparaît comme la matérialisation d’une personnalité. Prise de conscience devant cette monumentale tour textile s’accompagnant de la voix d’un jeune égrenant tous les habits qu’il possède.
Dans le parfait prolongement, la thématique suivante questionne la chambre à coucher. Autant de refuges et de tanières où s’exprime, en toute liberté, la créativité. Un montage présente un copieux assemblage de photographies de chambres actuelles d’adolescents. On sourit devant ces morceaux d’intimité. Le même espace est complété d’un live-room permettant de visiter, en temps réel, la chambre d’un jeune avec lequel on peut interagir.

L’escale suivante a des allures de marché dans lequel quelques camelots rivalisent d’inventivité pour nous fourguer leur dernière nouveauté. Répondant à des problèmes actuels (écologie, sexisme, pandémie…), les étudiants ont imaginé des objets qui pourraient changer le cours des choses. Seule certitude : l’humour tient une place centrale.
Objets inventés, connectés, customisés
On poursuit cette "biopsie" de l’adolescence avec deux installations qui observent la relation fusionnelle entre les jeunes et leurs smartphones (et par extension les réseaux sociaux). Des objets indispensables jouant indifféremment les cartes de l’ultra-intime et de l’extra-public. Plus loin, quelques vitrines réunissent des objets customisés par des adolescents à travers le temps. Badges, pin’s, notes au Tipp-Ex ou à l’indélébile… Tous partagent cette volonté de se différencier. Une customisation rimant quelquefois avec dégradation. Et c’est bien le discours de l’espace voisin : s’interroger sur la jouissance que procure l’anéantissement d’un objet. L’occasion de poser sur le papier nos passages à l’acte les plus extrêmes.
D’un jardin intime à l’autre, la dernière salle résume la biographie d’un adolescent à dix objets symboliques. Une conclusion aux allures de démonstration : les objets nous racontent bien plus que ce que nous imaginons.

Sortir le musée de sa zone de confort
Aux commandes depuis 2019, Julien Foucart a rapidement ouvert le Musée des beaux-arts de Tournai à d’autres formes d’art et de création. Ses dix-sept ans d’expérience au MACS – premier musée d’art contemporain de la Fédération Wallonie-Bruxelles – n’y sont sans doute pas étrangers…
Il y a quelques mois, il jouait la carte de l’audace en ouvrant ses réserves aux étudiants de La Cambre. Ces derniers reçurent carte blanche pour imaginer un parcours de sculptures d’une fraîcheur étonnante, tant dans le choix des œuvres que dans la mise en place et la circulation dans l’espace.
Aujourd’hui, le musée récidive en confiant les clés à d’autres jeunes, élèves du secondaire cette fois, dans le cadre de L’Objet de mon Attention II - Êtres et Avoirs, à l’initiative de la Cie What’s Up et avec le soutien de la Maison de la culture de Tournai.
Magali Vangilbergen, conservatrice adjointe, nous explique : "Nous cherchons un équilibre entre le fait de valoriser la richesse de nos collections (du XIVe au XXe siècle) tout en donnant une place à l’art contemporain ou à la jeune création. C’est une façon de faire de la place aux jeunes, de les inviter à réinvestir le musée, de les laisser s’en emparer pour qu’ils se sentent chez eux… C’est aussi une manière d’attirer d’autres publics."
De fort belles initiatives en attendant les travaux de rénovation du bâtiment (conçu par Victor Horta dès 1911, et inauguré en 1928) programmés en 2023.