Julia Jedwab, entre ciel et terre
Julia Jedwab est de retour à la Galerie ABC, à Bruxelles, et, comme en ses plus beaux jours, elle nous y dévoile des multitudes de ciels…
- Publié le 28-01-2021 à 14h02
- Mis à jour le 04-02-2021 à 17h52
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Julia Jedwab, toujours souriante sous l’inquiétude de l’artiste face à ses œuvres et, surtout, face à ceux qui les regardent, semble sans âge. Elle va pourtant vers ses 90 ans…
"À mon âge, ce n’est plus indiscret de dire la vérité et puis, tout cela semble tellement relatif !"
Sur les murs, 40 pastels, huiles et gravures se disputent votre intérêt et, harmonie de l’ensemble, cette fois toutes entretiennent des rapports aussi secrets que concrets avec le ciel, souvent bleu, et ses nuages, prioritairement blancs.
Mais, que de nuances entre ces foisonnements célestes qui, plus que souvenirs de nues entrevues, sont une sorte de réceptacle d’émotions, de sensations liées à une nature qu’elle arpente volontiers, même si elle ne peint jamais en extérieur.
"Mon matériel est trop lourd pour que je le transporte hors de chez moi et puis, confidence, je ne veux pas être distraite par les éléments qui m’entourent. Ces éléments extérieurs me cassent tout !"
À l’atelier, chez elle, dans un univers qu’elle a clos autour de ses désirs de création, Julia Jedwab se sent maître du terrain. De connivence de plain-pied avec ses souvenirs, sa mémoire, sa relation avec tel ou tel passage de nuages qui auraient pu l’arrêter en chemin.
Pastels à foison
Avouant avoir acquis des dizaines, sinon plus, de pastels aux gammes de couleur les plus diverses, Julia Jedwab ne s’est jamais sentie en concurrence avec Sam Szafran, un artiste qu’elle aime et qui a tellement peint et dessiné les myriades de pastels rangés en dégradés chromatiques en un atelier, qu’il a beaucoup peint en sorte d’apnée au bas de son escalier.
Cri du cœur : "Szafran, j’adore !"
Dans l’exposition, un pastel intrigue, car très différent des autres. Il date de 2004 et, seul en son genre, on y voit des arbres dans le flou d’une atmosphère couleur terre…
"Un souvenir du Cotentin, qu’avec mon mari j’ai beaucoup fréquenté. Cette région balayée par les vents, ses ciels merveilleux ont beaucoup alimenté mon imaginaire."
L’exposition est toutefois aiguillonnée par d’autres couleurs, des verts, des bleus et la blancheur accaparante des nuées. À regarder de près ses séries de pastels, on comprend la somme de travail et de précision, d’incubation requise pour que de tels ensembles vous arrêtent et vous rendent aussitôt complices de pareille sensibilité au service d’un ouvrage méticuleux au cœur des matières.
Ces ciels bleus et verts avec, parfois, un soupçon de rose, balayés par du blanc voluptueux qui décline ses magies par de riches circonvolutions, il paraît vite impossible de les ignorer. Ils sont captivants !
À l’avant de la galerie, d’autres pastels, plus grands (57 x 74 cm), ont été, de l’aveu du peintre, plus rapidement brossés… "Je ne peux dire pourquoi. Pour certains, je réfléchis davantage, je mets, j’enlève, je triture. Ceux-ci, par contre, sont venus de soi. Un peu comme si ces tableaux avaient déjà été créés antérieurement dans ma tête. Ce sont des ciels qui se sont imposés à moi."
Jedwab partirait-elle parfois de photos ? "Je fais des centaines de photos de nuages mais tout cela n’a rien à voir avec ce que je peins. Et j’insiste, dit-elle avec humour, je n’ai pas la tête dans les nuages ! Ce qui m’intéresse, c’est transposer dans la réalité ce qui est éphémère."
Un brin de poésie
Une série de pastels se différencie plus ouvertement des autres. On y voit des nuages mais, entre ciel et terre, s’y profilent des cabanes. Que font-elles là ? Accordons-leur le droit d’être ce brin de poésie auquel Julia Jedwab ne rechigne pas d’adhérer. Elle lit volontiers des poèmes actuels et un auteur la retient plus particulièrement : Christian Bobin. Comme nous lui disions que nous pouvions lui en donner l’adresse, elle manifesta sa joie toute simple : "Il a une écriture qui nourrit et vers laquelle je reviens toujours. J’aime aussi l’entendre parler, c’est un enchantement et j’ai plein de ses livres. Un jour, il a proposé une ‘Bibliothèque des nuages’ et, bien que cela n’ait rien à voir avec les nuages, mais avec un monde tout à fait particulier, comment ne pas apprécier !"
Anecdote : "Dans les années 80, fascinée par l’installation Running Face de Christo, j’ai tenu à le lui écrire. N’ayant pas son adresse, j’ai libellé mon envoi : ‘Monsieur Christo - New York’. Eh bien, aussi extravagant que cela paraisse, il m’a répondu ! Je me disais donc que j’allais écrire à Bobin, au Creusot, mais j’hésitais, les temps ont bien changé et les postiers ne cherchent plus à trouver vos destinataires !"
Rien ne semble arrêter l’enthousiasme de Julia Jedwab et sa jeunesse d’esprit et d’entreprise est un merveilleux adjuvant pour tous ceux et celles qui décident un jour de ne pas baisser les bras. D’entreprendre plutôt que d’attendre Dieu sait quoi !
Julia Jedwab - "Au loin III", peintures, gravures, pastels Art contemporain Où Galerie ABC, 53, rue Lebeau, 1000 Bruxelles (Sablon). Tél. : 02.511.32.53 et 0475.37.59.27 Quand Jusqu’au 27 février (Prolongation), du mardi au samedi, de 10h30 à 12h30 et de 14h30 à 18h30.
