Chez Contretype à Bruxelles, le travail de Nathalie Amand sous un angle nouveau
L’exposition "La Part visible" de Nathalie Amand qui vient de s’ouvrir chez Contretype est réjouissante en ceci qu’elle nous fait découvrir sous un angle nouveau le travail d’une artiste que l’on croyait, sans doute à tort, bien connaître.
Publié le 01-04-2021 à 14h13 - Mis à jour le 04-04-2021 à 08h37
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Au premier coup d’œil, les portraits en noir et blanc dont l’alignement sobre est entrecoupé de photographies de matières diverses ne semblent en effet pas être de la même auteure que les célèbres et sulfureux "Hommages licencieux" exposés dans une seconde salle.
Intériorité
Pourtant, à y regarder d’un peu plus près, ce sont bien les mêmes ressorts qui sont à l’œuvre dans les deux séries. À commencer par le cadrage au rectangle à peine esquissé, très apaisant, que l’on doit à la prise de vue au moyen format ou à la chambre photographique. Ces outils nécessitant une mise en œuvre méticuleuse et très pensée, pas étonnant que tout le travail de Nathalie Amand soit de bout en bout empreint de finesse et d’intériorité. L’argentique, avec son subtil camaïeu de gris, explique également la cohérence ainsi que le caractère éminemment photographique de tout ce qui nous est présenté.
Ceci, on le notera, en dépit d’une constante référence au classicisme pictural dont Emmanuel d’Autreppe, le commissaire de cette exposition souligne le côté paradoxal : "Elle convoque en les rejouant, en les détournant, en les malmenant parfois, les genres les plus établis de la peinture ou du dessin : nu et portrait, paysage et nature morte, détails et vanités. Encore le jeu […] est-il chez elle faussement classique, plus complexe qu’il n’y paraît." Très justement noté, ses natures mortes s’inscrivant dans ce modernisme rétif à l’esthétique picturale de photographes tels Albert Renger-Patzsch ou Edward Weston. C’est en effet bien au lyrisme du premier que l’on pense devant les détails de plumages fascinants de la première salle, tout comme on se remémore devant les anatomies pastichant érotisme et pornographie du XIXe siècle dans la salle suivante le scandale que firent en leur temps les nus du second (1). À propos de ces "Hommages licencieux", la photographe nous rappelait que ce qu’elle y recherchait, c’était d’abord la beauté. C’était ensuite, disait-elle, le jeu des regards. Ceux des modèles, le sien et derrière celui-ci, les nôtres que les modèles et elle-même provoquent.
Précisément dans une troisième partie, c’est toujours bien notre regard qui est convoqué pour et par des paysages qu’on avait pu voir au Salon d’Art il y a trois ans (Voir LLB 29-08-2018). Sous l’intitulé "En deçà des apparences", bien plus que de se laisser aller à une contemplation quelque peu paresseuse, il nous était suggéré de fouiller taillis et sous-bois à la recherche de formes qui semblent être d’autres choses que ce qu’elles sont. C’est encore dans cette exposition-ci, une façon ô combien subtile de la part de l’auteure de renvoyer le regard du spectateur vers lui-même.
(1) Voir à ce sujet le texte sur "Le Nu en forme de vase renversé" d’Edward Weston dans "Le Boîtier de mélancolie" (Hazan, 1999) de Denis Roche.
"La Part visible", photographies de Nathalie Amand Photographie Où Contretype, Cité Fontainas 4A, 1060 Bruxelles, www.contretype.org Quand Jusqu’au 30 mai, du mercredi au vendredi de 12 à 18h, samedi et dimanche de 13 à 18h.
