Le retable de saint Georges: L’Agneau mystique de la sculpture !
L’oeuvre majeure et hyper réaliste de Jan II Borman a retrouvé son ordre logique et son histoire.
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Publié le 28-04-2021 à 07h53 - Mis à jour le 28-04-2021 à 12h32
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Le Retable de saint Georges, chef d’oeuvre de la sculpture néo-gothique, était jadis, pense-t-on, le pendant du sublime tableau de Rogier van der Weyden, de 1435, la Descente de Croix (Déposition) qui lui faisait face dans l’église Onze-Lieve-Vrouw-van-Ginderbuyten à Louvain. La Chapelle fut détruite en 1789 et aujourd’hui, l’oeuvre de van der Weyden est le trésor du Prado à Madrid tandis que le retable est celui du musée d’Art et d’Histoire au Cinquantenaire.
Après trois ans de restauration menée par le musée (Emile van Binnebeke) et l’Irpa (Emanuelle Mercier) avec l’aide de la Fondation roi Baudouin (Fonds René et Karin Jonckheere), le retable, restauré, « réarrangé », mieux connu, est à nouveau exposé.
Le retable a une double série de volets qu’on n'ouvrait que lors des fêtes pour que les chrétiens puissent alors découvrir la stupéfiante beauté des sculptures.
Celles-ci, comme dans une BD en 3 D, racontent le martyre de saint Georges, militaire converti au christianisme et mort en 303, à 23 ans, pour avoir refusé d’abjurer sa foi, tué sur l’ordre de l'empereur Dioclétien que l’on reconnaît à chaque étape racontée par le retable.
Conformément à La légende dorée de Jacques de Voragine, Georges est montré dans tous les supplices subis : ligoté et frappé sur une roue, brûlé vif, plongé dans un chaudron de cuivre en forme de boeuf et rempli d’huile bouillante, flagellé, suspendu par les pieds au-dessus d’un bûcher, le tête sciée en deux. Mais il résista à tout et n’abjura pas. Il finit décapité. Voyant ce miracle, Alexandra l’épouse du proconsul romain se convertit et fut alors décapitée à son tour.
Détails du martyre de saint Georges dans le grand retable de Jan II Borman
« Le meilleur sculpteur de son temps »
L’oeuvre fait 5 m de long, 1,6 m de haut et compte 80 figures sculptées avec une finesse inouïe dans de grands blocs de chêne dur placés dans sept compartiments. Les cordes, les bijoux, les armes, tout, est taillé dans le coeur même du bois et semble réel.
L’oeuvre fut achevée en 1493 par Jan II Borman, « le meilleur sculpteur de son temps », disait-on. Le musée M de Louvain avait présenté fin 2019, une remarquable exposition consacrée à la dynastie des Borman. De 1460 à 1590, sous quatre générations d’artistes, leur atelier répondit à des centaines de commandes venues de toute l’Europe: des sculptures religieuses et des retables, souvent en bois, parfois en albâtre, pour des églises et monastères autant que pour de riches et nobles privés.
Le plus célèbre d’entre eux fut Jan Borman II et ses reliquaires hyper réalistes.
C’était la puissante Grande guilde des arbalétriers de Louvain qui avait passé cette commande que Jan Borman II mit trois ans à exécuter, une vitesse record pour une oeuvre pareille. La commande était hautement diplomatique: la ville de Louvain espérait ainsi se faire pardonner par l’empereur Maximilien d’Autriche sa participation à la révolte ratée des villes flamandes. Saint Georges étant aussi le patron personnel de l’empereur. Et, de fait, Louvain fut épargnée des représailles.
Ce polyptyque coûta 500 florins, plus 100 écus d’or à la finition, lit-on sur un document d’époque. Si cher que Louvain n’eut plus d’argent pour le faire polychromer. Ce qui laisse mieux admirer le travail du bois.
La restauration du retable a permis de mieux connaître son histoire. On a découvert caché dedans, une petite figure sommairement taillée dans un bois du XVe siècle et une petite bourse en tissu, sans doute des ex-voto secrets. On a aussi découvert, caché, un parchemin de 1835 signé par Sohet. Il était le sculpteur chargé alors de restaurer le retable dans la foulée directe de la jeune Indépendance belge, l’oeuvre devant être au centre d’un futur musée national belge.
On a vu aussi que Sohet avait ajouté sculpté de sa main, quelques anges dans le haut du retable et avait pour des raisons inconnues choisi de modifier l’ordre des compartiments, faisant commencer le martyre de saint Georges, par sa décapitation finale. L’ordre a maintenant été rétabli et on peut à nouveau admirer le chef d’oeuvre avec, pour quelques semaines encore, en vitrine, la statuette et le parchemin découverts.
Musée d’Art et d’Histoire, Cinquantenaire, Bruxelles.