Michel Draguet revient sur le musée du Chat : "J’ai connu ce genre de polémiques avec Magritte"
Le directeur général des Musées des Beaux-Arts vole au secours du Chat.
Publié le 03-05-2021 à 19h18 - Mis à jour le 12-10-2021 à 17h03
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"On se trompe de polémique et de combat. Dire que les musées ne sont pas bien financés et en revendiquer le refinancement, bien sûr. Mais la polémique née suite à l'annonce du permis d'urbanisme pour un musée consacré au Chat de Philippe Geluck est à la fois déplacée, malheureuse et la pétition qui a été lancée est même prétentieuse, car elle revient à nier à la bande dessinée de se retrouver au musée." Michel Draguet, directeur général des Musées royaux des beaux-arts de Belgique, n'y va pas par quatre chemins lorsque nous l'interrogeons sur la polémique née de la naissance prochaine d'un musée consacré au Chat dans un bâtiment proche de la place Royale, dans le quartier des Arts, à Bruxelles. "D'entendre que le bâtiment dans lequel il va se retrouver peut être sauvé et être utilisé à d'autres fins relève de l'ineptie. La Région de Bruxelles-Capitale a longtemps laissé ce bâtiment des années 30 sans entretien avant de nous solliciter, Paul Dujardin (Bozar) et moi-même, en vue d'une réhabilitation éventuelle. Or, tel qu'il est là, ce petit (4 000 m²) espace ne se prête absolument pas à l'aménagement d'un musée ou d'un lieu culturel quelconque."
Geluck "cherche à comprendre"
Michel Draguet salue donc l'accord trouvé entre la Région et Geluck. "Qu'un privé vienne avec un tel projet, dans cet espace qui n'est en soi pas commode, dont il sera locataire par emphytéose, dans lequel il investit des fonds conséquents et qui créera 27 emplois, je ne peux qu'applaudir et saluer cette initiative. A contrario, je trouve l'attitude des adversaires très méprisante puisqu'elle revient à dire qu'un artiste populaire ne peut pas se retrouver au musée puisqu'à leurs yeux populaire est synonyme de vulgaire. Cela me rappelle d'ailleurs les polémiques qui ont précédé la création du musée Magritte lorsque j'ai essuyé des commentaires du style : 'On ne va quand même pas créer un musée consacré à cet artiste pour touristes.' Dans le cas du Chat, leur attitude revient à dénier à la bande dessinée et au dessin de presse le droit de se retrouver au musée."
Quant au principal intéressé, qui n'avait vraiment pas vu le coup venir, il cherche encore à comprendre cette polémique. "Je cherche à savoir si cela tient à ma personne ou à une erreur de timing dans la communication sur l'octroi du permis d'urbanisme par la Région, à un moment où, à cause du Covid, de nombreux artistes rencontrent des difficultés ; je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que dans certains milieux artistiques on m'a toujours ignoré ou on ne me regarde pas. D'autres estiment que j'ai un ego gonflé à l'hélium. Un professeur de dessin m'a un jour dit que ce qu'il me reprochait avant tout, c'est d'être un communicant. Que je sache, et toutes proportions gardées, Warhol, Picasso et Dalí étaient des communicants eux aussi. Il se fait que je suis extraverti et que j'essaie d'être drôle, c'est dans ma nature."
Notre touche-à-tout constate avant tout un phénomène de jalousie. "Le parolier Jacques Duval a cette formule : 'En France, il y a la jalousie et le copinage ; en Belgique, il y a la jalousie.'" Et Philippe Geluck, fils de parents communistes, précise encore : "C'est vrai, je gagne très bien ma vie mais je dois cela uniquement à mon travail. Du temps où j'étais chroniqueur à La Semaine infernale et au Jeu des Dictionnaires, entre le travail d'écriture, les enregistrements, les déplacements, etc., je peux vous assurer que mon coloriste était mieux payé à l'heure que moi. Quant aux bénéfices de la vente prochaine de mes sculptures géantes, ils iront directement dans le projet de musée."
Finalement, Philippe Geluck préfère ne retenir qu'une chose : le sourire que les gens arborent en sortant de l'exposition de ses sculptures à Paris. "Mais il y en a aussi qui tirent la gueule. Je ne peux pas plaire à tout le monde, heureusement. D'ailleurs, ras le bol de tous ces messages de sympathie reçus ces derniers jours !", conclut-il dans un éclat de rire. Parce que le naturel revient au galop.