Chromatismes et transparences
Publié le 19-05-2021 à 07h37 - Mis à jour le 21-05-2021 à 17h39
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"The Hidden Truth" ou "La vérité cachée", un titre empli de sous-entendus pour une exposition de peintures qui, si elles attisent le regard dès qu’il se pose sur ces toiles énergiques et lumineuses, sont loin de révéler leur intensité, leur charge émotionnelle à qui ne les regarderait qu’en passant.
La peinture de Kennes réclame une rencontre opportune, profonde, entre l’image posée sur un mur par l’artiste et l’amateur qui voudrait s’en délecter au-delà de la prime figuration. La peinture de Marc Kennes est bien autre chose qu’une image de ville incendiée par ses charges pigmentaires. Bien autre chose qu’un beau nu de mèche avec un bleu outremer, avec un vert loin d’être anonyme.
Kennes, tout spontané qu’il puisse paraître, est loin d’être un artiste impulsif, même s’il y a du bélier en lui. Il fonce peut-être, mais il construit aussi, revient sur son ébauche, multiplie les couches d’huile, se bat avec sa toile pour que fête chromatique s’ensuive.
Festival chromatique
Le premier coup d’œil, en entrant dans l’incroyable chapelle XVIIe qui sert d’écrin à la première salle du parcours, comprend que la peinture en question est un combat, un quant-à-soi entre l’artiste et son support. Il perçoit vite aussi à quel festival chromatique il se trouve confronté, et peu importe alors la grisaille ou le bleu du ciel à l’entour. Kennes est seul en sa chapelle. Ses tableaux sont un monde qu’il est seul à circonscrire.
Premier à nous avoir saisi, et ce n’est là qu’un exemple de la prodigieuse densité du propos comme de la mise en forme d’un paysage somme toute indifférent à sa réalité, La route aveugle, un grand tableau de 2018. Un paysage gorgé de rouille, de bleu, de vert, de blanc, de violet. S’entrecroisant entre eux avec, au centre, la route comme une lave qui coule et se répand, les chromatismes font de cette composition, tout en nuances exacerbées, un spectacle qui surprend, vous enjoint à la contemplation. Et, plus que cela, fomente la mise en gesticulation de votre appétit des sensations.
Certains des nus féminins de Kennes font penser à cette route vibrante d’émotions. Des nus que, vus de face ou de dos, il confronte, tantôt à la mort à travers des vanités, tantôt à la vie qui s’ébouillante de ferveurs et… de couleurs.
À peu près en face de cette "route aveugle", une marine comme une furia de vagues, de rythmes, d’obsessions : Not Endless, de 2019. Des bords rouges encadrent cette partition - Kennes travaille en musique - blanche, bleue, noire, rose tout à la fois.
Parfois plus de vingt couches, sans que pour autant la charge matiériste ne soit trop présente (nouvelle donne), s’emmêlent pour libérer ce qui, chez Kennes, n’est jamais transposition d’une photo, mais le compte rendu instinctif d’un souvenir.
The Hidden Truth
Le monumental Hidden Truth (2020-2021) nous donne à voir une ville, un paysage enfoui dans une sorte de brouillard, ce qui n’enlève rien à la puissance d’évocation de couleurs modulées comme des architectures. Ah, la puissance d’évocation de la peinture !
Tout le reste est à l’avenant. Un superbe voyage empreint d’émotions.
Catalogue de 64 pages en couleurs avec un texte d’Ernest Van Buynder, photographie de Wim Van Eesbeek. Prix : 10 euros.
Marc Kennes - The Hidden Truth Art contemporain Où De Zwarte Panter, Hoogstraat, 70-74, 2000 Anvers. www.dezwartepanter.com et 03.233.13.45 Quand Jusqu’au 13 juin, du jeudi au dimanche, de 13h30 à 18 heures.
