Dîner de têtes avec Silvia Hatzl
La Bavaroise Silvia Hatzl émeut autant qu’elle stupéfie.
Publié le 26-05-2021 à 17h34 - Mis à jour le 27-05-2021 à 14h04
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C’est Jacques Prévert qui aurait été content ! Le voici pris en bandoulière par une artiste qui, à son instar, s’interroge sur le destin humain à travers une flopée de têtes qui, si elles ressemblent peu ou prou aux nôtres, sont aussi celles de gisants que la vie n’a pas épargnés.
Née en 1966 à Oberbayern, cette jeune femme, souriante et désarmante par l’allure et la conviction, déménage l’espace qu’elle investit.
Les amateurs d’art connaissent ses robes à nulles autres pareilles (on peut en voir à la sortie de la galerie des Princes, à Bruxelles, en face de la librairie Tropismes). Ils connaissent aussi, encadrées, ses petites robes en peau, en boyau, aux allures de vêtements pour enfants inuits.
Connaissent-ils ses Têtes, qui, depuis près de deux décennies, tutoient l’espace de ses démonstrations sans affectation ? Sur tiges, sur socles ou posées sur un meuble, elles peuplent notre imaginaire de raccourcis, qu’on peut dire saisissants, autour de la vie et la mort.
Matériaux divers
Modeste, simple, vibrante mais aussi réservée, Silvia Hatzl est cette opératrice d’univers qui nous rassemblent, parce qu’aussi nous y reconnaissons quelque chose qui s’apparente à des visions qui nous accompagnent dans la vie.
Se servant de tout ce qu’elle trouve à portée de main - soie, cendre, sang, tissu, terre, plâtre, poussière même, pigments, etc. -, Hatzl façonne ses têtes en terre d’abord. Terre qu’elle moule et retravaille pour transformer celles-ci selon ses exigences pour en donner une image de la dégradation des corps.
Œuvrant sans modèle, l’artiste avoue travailler presque en aveugle. Ce qui nous donne des têtes bien vivantes sous leurs allures de débris pourvus d’une âme.
Certaines de ces têtes, de dos ou de face, peuvent être portées pour une performance, d’autres vous toisent de leur gris, de leur rouille, de leur ocre figé dans la croûte qui les nimbe d’une aura insolite et frappante. On peut aussi penser aux crânes surmoulés du Vanuatu. À la tête garrottée de L’Homme de Tollund, de Serge Vandercam. À d’autres encore… À ce qui reste de nous, devenus débris !
Silvia Hatzl - "Têtes 2002-2019", Espace K9, rue Robert Boisacq, 9, 1330 Rixensart. Jusqu’au 30 mai, le samedi et le dimanche, de 14 heures à 18 heures ou sur rendez-vous via : info@silviahatzl.com
Édition par Baudouin Oosterlynck d’un très beau coffret "Têtes 2002-2019" à tirage limité (10 exemplaires avec une œuvre originale, 100 exemplaires signés et numérotés par l’artiste), PMA Éditions, Rixensart 2020.