Splendides "photographies-tableaux" de James Welling
Au Macs, une exposition méditative et poétique évoque les ruines avec surtout la douce mélancolie de Welling.
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Publié le 27-05-2021 à 07h53 - Mis à jour le 27-05-2021 à 07h54
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Après le beau succès public et critique de l’exposition Johan Muyle, le Macs au Grand-Hornu, a choisi pour cet été une exposition méditative et poétique avec, surtout, dans les deux grandes salles de la fin du parcours, les 80 « photographies » de James Welling.
Le photographe américain né en 1951 s’intéresse depuis toujours autant à la fabrication de l’image qu’au sujet. Sa pratique très variée se déploie à la frontière entre la photographie et la peinture, le film, l’architecture, la sculpture et la danse, mêlant haute technologie et procédés artisanaux renvoyant à l’histoire de la photographie.
S’il a brassé bien des styles et des expériences, on y retrouve toujours la mélancolie et la nostalgie.
Le Smak en 2017 lui avait consacré une exposition (Metamorphosis). Au Macs, il présente tout autre chose, quelque 80 « photographies-tableaux » de sa nouvelle série intitulée Cento (un mot qui désigne l’assemblage de fragments de diverses œuvres poétiques ou musicales). Toutes se réfèrent à l’architecture et à la statuaire anciennes grecques et romaines qu’il a photographiées d’Athènes au musée de Potsdam avec parfois des images de la nature qui pousse au milieu des ruines.

Par un procédé complexe (la collotypie), il crée des plaques gélatineuses au départ de la photographie, qu’il colore ensuite et puis délave, agissant en peintre, donnant à ses images -chaque fois des oeuvres uniques- un aspect velouté, avec des traces discrètes de couleurs renvoyant à la polychromie d’origine qu’avaient ces temples et statues.
Ces photographies sont exposées sans vitres protectrices pour mieux en saisir les nuances et la luminosité, et on croirait y voir -si c’était possible- la palpitation des pierres, leur chair, leur veines, leur passé et leur futur de ruines.
Que ce soit la main de Vénus sur le dos de Mars, des verreries antiques, une colonne dorique, le cheval du Parthénon ou des torses, le bronze prend avec Welling des teintes dorées et le marbre adopte mille nuances de couleurs délicates. Même les griffures ou légères coulures laissées par le procédé viennent ajouter à la belle mélancolie.

D’autres photographies de temples, par le traitement qu’en fait Welling, semblent resurgir du début de la photographie quand les premières images des temples de l’Acropole ou d’Agrigente étaient réalisées.
Les doigts sur le frigo
En prélude, le Macs présente trois installations minimalistes de trois artistes sur le thème de la ruine.
Denis Gielen, le commissaire de ces expos, cite Bertolt Brecht dans Sur l’art d’édifier des oeuvres durables (1929). « Combien de temps durent les oeuvres? Le temps d’être achevées. Tant qu’elles demandent un effort, elles échappent à la ruine. Si elles invitent à l’effort, leur existence est assurée. »
Oriol Vilanova, (né en 1980 à Barcelone, vit à Bruxelles) achète depuis quinze ans dans les marchés aux puces, des vieilles cartes postales de ruines archéologiques, rassemblant ainsi peu à peu une collection sans cesse croissante de ces images destinées elles-mêmes à devenir ruines (la carte postale se meurt). Une salle entière du Mac’s est couverte de près de 10000 minuscules punaises attendant de recevoir leurs cartes postales. Plusieurs centaines sont déjà là, comme une mosaïque pour « sauver ces ruines et les images de ces ruines ».

Dans une autre salle, Fiona Tan qui exposa déjà au Macs en 2019, avait alors filmé une partie du site du Grand-Hornu avec ses ruines selon deux techniques: le numérique haute définition actuel et le film super 8 de jadis avec ses flous et son usure progressive. Les deux films sont projetés côte à côte montrant l’importance de la technique pour échapper à la ruine mais laissant néanmoins voir que « toute oeuvre d’art est une ruine en puissance ».
Enfin, Daniel Turner (né en 1983 aux Etats-Unis) montre juste deux poignées de réfrigérateurs de jadis, en aluminium gainés de plastique blanc, avec dessus les traces noires des mille mains qui les ont agrippées. Ce n’est pas un ready made, mais la trace d’une empreinte humaine, une archéologie du présent qui révèle que l’homme était là.
--> Au Macs, jusqu’au 29 août, fermé le lundi, réservation obligatoire