A Arles, la rétrospective de Sabine Weiss, une des dernières photographes du courant humaniste
Publié le 06-09-2021 à 15h30 - Mis à jour le 06-09-2021 à 15h58
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À Arles, la rétrospective de Sabine Weiss proposée dans le superbe musée provençal rénové fait assurément partie des expositions des Rencontres qui attirent du monde. Sans doute le prix Women in Motion qui lui a été attribué l’an passé par ce même festival n’y est pas pour rien. Cependant, le fait que l’œuvre de cette photographe suisse s’inscrive dans le courant "humaniste" de la photo d’après-guerre l’explique aussi.
Nostalgie
Ce langage visuel, qui était celui de la presse illustrée des années 1930 aux années 1960, distille en effet aujourd’hui une double nostalgie. D’une part, celle d’un monde bon enfant (créé de toutes pièces, notons-le, par la vision optimiste des photographes de ce courant) où même la misère suscite des sourires de compassion. D’autre part, celle d’une façon de voir et de montrer soucieuse d’être accessible à tous.
En cohérence avec ce souci de clarté, les archives de Sabine Weiss accompagnent le public d'un bout à l'autre de l'exposition. Elles laissent percevoir ce qu'a pu être alors ce métier de photographe dans lequel la jeune femme s'est lancée en 1945 avec un simple certificat du patron auprès duquel elle avait fait son apprentissage : "Elle a eu l'occasion, y lit-on, d'apprendre et de se mettre au courant de toutes les techniques, soit : portrait, prises de vues industrielles, reproductions de tableaux et vues techniques, etc." Il y est précisé "qu'elle a servi la clientèle, tenu la caisse et s'est occupée au classement des négatifs"".
C’était-là une formation d’artisan - et non d’artiste - qui l’a amenée à penser ses images pour les lecteurs de la presse plutôt que pour les visiteurs des musées. D’emblée, elle a inscrit son travail dans la lignée des photographes d’avant-guerre tels Brassaï ou Kertész. En témoigne son attirance pour les ambiances de nuit, le spectacle de la rue et plus particulièrement les portraits de vieillards ou d’enfants. Ce sont d’ailleurs des clichés comme celui d’un jeune gitan au regard poignant devant le Palais des papes à Avignon qui la font remarquer de la profession.

Mode
On lui confie donc des reportages. Celui sur l'asile pour aliénés mentaux de Dun-sur-Auron lui a été suggéré par l'agence Magnum qu'elle avait approchée en 1951. Tentative sans lendemain certes, mais l'année d'après, c'est l'agence Rapho qu'elle rejoindra sur recommandation de Robert Doisneau. Sous l'en-tête de la lettre qui l'invite à présenter son travail, on peut lire "Publicité, illustration, reportages, couleur". Cela lui convenait mieux que le purisme de l'agence de Capa. Pendant une décennie, elle enchaînera donc des commandes pour les magazines tout autant du côté journalistique (avec notamment des portraits de célébrités comme Romy Schneider ou Françoise Sagan) que du côté publicitaire. Elle excellera dans la mode comme on peut le voir à travers ses nombreuses réalisations, aujourd'hui délicieusement désuètes, pour Vogue.
Par la suite, la soixantaine passée, elle continuera à conjuguer voyages et reportages avec le même plaisir. Aujourd’hui, aidée par une assistante, elle se concentre sur la mise en valeur de tous ses travaux et prépare une nouvelle et vaste rétrospective qui, paraît-il, devrait se tenir dans trois ans. Rappelons que Sabine Weiss a aujourd’hui 97 ans.
Sabine Weiss. Une vie de photographe Photographie Où Museon Arlaten - Musée de Provence, 31 rue de la République 13200 Arles www.rencontres-arles.com Quand Jusqu'au 26 septembre, tous les jours de 10 à 18h. "Sabine Weiss" Livre De préface de Virginie Chardin, Actes Sud, collection Photopoche, 144p. Prix 13 €.
