À Louvain-la-Neuve, les artistes explorent nos fluidités nécessaires
Une très intéressante Triennale d'art contemporain s’est ouverte à Louvain-la-Neuve et Ottignies.
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Publié le 15-09-2021 à 08h47 - Mis à jour le 15-09-2021 à 08h48
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La dixième édition de cette Triennale a été confiée à Adrien Grimmeau, directeur par ailleurs de l’Iselp à Bruxelles.
Sous l'intitulé Magma, il a invité 27 artistes à explorer le thème très contemporain de la fluidité vue non plus comme un risque d’ébranler nos identités mais comme un atout pour affirmer sa singularité: fluidité géographique (migrations), fluidité temporelle, fluidité du genre, fluidité des origines, fluidité du vivant avec la nature, etc.
Elle se déploie dans deux lieux principaux. Il faut visiter d'abord le si beau Musée L de LLN que vous devez (re)voir si ce n'est pas encore fait, avec l’architecture puissante qu’André Jacquemin avait imaginé pour ce qui fut la Bibliothèque de sciences et pour ses riches collections artistiques et scientifiques.
Les artistes sont intervenus au sein même des collections de manière très fine. Stéphan Balleux y a placé de grandes tables avec ses peintures. On retrouve avec grand plaisir Elly Strik et ses dessins si troublants mêlant la poésie, le doux (pastel, dessin), à la confrontation, voire l’effroi, avec ses personnages, des fantômes, à la fois très proches de nous et mutants, métamorphosés par l’art, comme le visage de Darwin qui se remplit de poils ou évoque l’Origine du monde.
D’autres artistes ont opté pour des mini-interventions volontairement à peine identifiables au coeur des vitrines. Les mountaincutters ont déposé au milieu de verres antiques leurs propres verres imparfaits. Eva L’Hoest a placé une clé USB sous forme de petit bronze antique. Lise Duclaux a fertilisé les vitrines de sciences naturelles par ses dessins et phrases comme: « L’escargot n’a pas le sentiment d’avancer lentement ». C’est un jeu subtil de découvrir l’intervention des artistes.
72 vierges
Les salles d’expos temporaires permettent de plus grandes installations. Avec le formidable film Grosse fatigue de Camille Henrot, vertigineux, d’une belle sensualité, recréant toute l’histoire de l’univers jusqu’à l’homme d’aujourd’hui en passant par les beautés des formes animales, sous forme d’écrans multiples comme on les voit sur nos ordinateurs. Et la fascinante installation de Mehdi-Georges Lahlou, 72 vierges, mêlant les religions. Il a placé ses autoportraits en bustes couverts du voile, dans un labyrinthe de voiles sous des arias chrétiens dont les textes sont des sourates !

Après la pureté du musée, on s’enfonce dans le parking sous le musée. On y retrouve souvent les mêmes artistes avec cette fois de grandes installations, comme une fresque gigantesque de Stéphan Balleux et le film fascinant d’Eva L'Hoest (tous les deux sont exposés aussi au Botanique). Le triptyque vidéo d’Eva L’Hoest montre des images de synthèse aussi troublantes que très belles, à la fois sensuelles, proches de nos sensations et émotions, et à la fois évoquant un inquiétant transhumanisme, la dystopie d’un monde à venir inhumain. La beauté formelle entre en collision avec l’interrogation existentielle.
On vous laisse la surprise de plein autres découvertes dans les profondeurs du parking.

La Triennale se poursuit au centre culturel d’Ottignies où souvent les mêmes artistes investissent les espaces intimes des loges et le sous-sol de la scène. Parmi les nombreuses oeuvres, on y découvre la photo de Graciela Iturbide d'une Mexicaine avec son chapeau d'iguanes vivants, les peintures de Vincent Glowinski (ex-Bonom), le film émouvant de Sarah Vanagt sur la rencontre d’un vieillard et d’un âne, ou encore les photographies d’Hélène Amouzou, photographe venue du Togo et vivant à Bruxelles, des auto-portraits interrogeant sa place floue dans la société belge.

Chaque fois, il s’agit de montrer que les déplacements divers, la « modernité liquide » dont parle Zygmunt Bauman, si elle peut faire perdre ses repères, peut aussi permettre de mieux s’affirmer, de vivre sa singularité. C’est bien le rôle de l’art de nous faire faire ce pas de côté pour entrevoir mieux la réalité du monde.
Au centre culturel d’Ottignies, au Musée L et parking à LLN, jusqu’au 28 novembre, nombreuses activés annexes à découvrir sur le site www.magmatriennale10.be