Alechinsky en duo
Il a beau flirter avec les 94 ans, Pierre Alechinsky ne repose pas un seul jour ses pinceaux, ses crayons.
Publié le 17-09-2021 à 18h56
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/2F3JHA22ZVDABFT3OJYSHOUBEQ.jpg)
L’histoire est belle, mérite à elle seule son satisfecit et l’adhésion, preuve qu’un artiste ne s’arrête jamais, ne sait quasiment pas ce que "vacances" veut dire. Pour le créateur, le mot retraite n’a pas plus de sens que le repos du guerrier.
Nous en avons connu et connaissons plusieurs dans ce cas et jusqu’à Soulages, 102 ans, qui n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il peint ! Aujourd’hui, à cet âge vénérable qui, plus qu’à tout âge, conditionne son avenir, Pierre Alechinsky (Bruxelles, 1927) met les bouchées triples, n’entend plus guère se déplacer ni rencontrer du monde : il peint.
N’est-ce pas là le trait majeur d’un homme qui, plus encore que le geste de peindre et d’innover, entend, non pas accroître un patrimoine largement bénéficiaire, plutôt se prouver que, pour lui, chaque jour est un nouveau jour, le ferment d’une avancée nouvelle, d’un pas de plus et de mieux dans la conquête du temps !

Un Challenge
Si toute anecdote est à bannir dans la recension d’un ouvrage artistique, celle-ci vaut son pesant d’or, car elle accrédite le challenge que l’art est une affaire avant tout personnelle, celle d’un homme avec son destin. Même si ceci nous reporte huit ans plus tôt.
Le Tchèque Jiri Kolar (1914-2002), "poète visuel" devenu, avec le temps, une référence dans l’art du collage, a, il y a quelques décennies, partagé des travaux à quatre mains avec Pierre Alechinsky. En 1986, ils avaient même orné en duo un clavecin de Rainer von Nagel qui fut, il y a peu, exposé au Centre de la Gravure, à l’initiative de Catherine de Braekeleer. Ils étaient jeunes et s’affranchissaient ensemble des routines.
Or, l’histoire veut que, de son vivant, Kolar, acceptât de réaliser, commande peu ou prou commerciale, les bords d’un tableau dont le centre devait être une image publicitaire. Ces 12 panneaux sont, ensuite, restés dans le stock de la Galerie Lelong.
Ils furent retrouvés par Patrice Cotensin, âme ouvrière de la galerie. Lequel, en supprimant l’image centrale de peu d’intérêt, se dit que, peut-être, Pierre Alechinsky serait partant pour y mettre la main. Pour renouer en quelque sorte avec le duo d’antan.
S’atteler à un défi nouveau. À un challenge qui ne lui offrirait rien d’autre que l’opportunité de mettre une plume nouvelle à son chapeau.
Partant pour essayer, rompu aux exercices de la ligne, du geste, des couleurs, Pierre Alechinsky se convainquit d’aller jusqu’au bout de l’aventure.
En 2013, Pierre Alechinsky avait recouvert d’acrylique le centre des collages sur panneau réalisés en 1985 par Jiri Kolar.

De Kolar à Balzac
Le résultat est à voir en une exposition installée dans l’ancien bureau de Daniel Lelong. C’est une sorte de calendrier avec ses mois, ses saisons, ses variantes chromatiques et stylistiques.
Quant à Balzac, bel aîné, il a souvent requis la présence de Pierre Alechinsky en sa maison parisienne… Avec, il est vrai, un bon siècle de retard. Honoré de Balzac (1799-1850) fut ainsi honoré par son jeune frère en typographie. En 1989, Pierre Alechinsky orna de 14 illustrations dans le texte et de neuf eaux-fortes le Traité des excitants modernes, de Balzac (Yves Rivière, éditeur à Paris).
Ces planches et leurs corollaires bordés de remarques marginales, pièces uniques, du plus virevoltant des artistes actuels, sont à déguster en la librairie-galerie de Lelong, à la même adresse.
Alechinsky et Kolar et… Balzac Art contemporain Où Galerie Lelong&Co, 13, rue de Téhéran, 75008 Paris. www.galerie-lelong.com, 01.45.63.13.19 Quand Jusqu'au 23 octobre
