Les figurations corsées de Yann Freichels
Jeune peintre allemand, Yann Freichels a profité d’une résidence d’artiste à Espace 251 Nord, à Liège, pour s’y éclater avec vigueur.
Publié le 24-09-2021 à 17h12 - Mis à jour le 24-09-2021 à 17h17
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Voilà belle lurette que Laurent Jacob règne sur un Espace 251 Nord qui nous réserve régulièrement de belles surprises. Et, pas seulement à Liège, l’entreprenant matador des arts ayant, plus d’une fois, formulé ses audaces esthétiques au-delà de la Principauté, à Bruxelles notamment.
Jonglant entre ses trois espaces de la rue Vivegnis, l’Espace 251 proprement dit, La Comète et l’ancienne Brasserie de Haecht, Laurent Jacob invite, de temps à autre, des artistes en résidence, leur confiant ensuite l’opportunité d’exposer au 251 en fin de cycle.
C’est le cas avec le jeune Allemand Yann Freichels, qui a pu profiter d’un atelier largement ouvert sur le ciel à l’entour pour y créer des toiles et des dessins d’une monumentalité dense et confondante.
La peinture de Freichels ne rigole pas ! Figurative, mais d’une figuration expressive qui tranche dans le vif de ses sujets, elle prolonge en quelque sorte un art germanique qui, de loin en loin, sut confier une vérité existentielle aux réalités exprimées.
Au cœur de la vie
Yann Freichels n’y va pas par quatre chemins. La vie, il la prend par les quatre bouts de son identité, chargeant des scènes aux apparences anecdotiques, d’une expressivité qui rejoint l’être au cœur de la vie.
Scènes de jour et de nuit, vie des tripots et vie des paumés, expression libre de quotidiens sombres, dont il témoigne avec des couleurs qui corsent le rendu de profondeurs de champ percutantes.

Sans papiers ou réputés tels étendus sur la rue, bistrots lugubres en lesquels du bleu et du vert de mauvaise grâce atrophient les illusions, scènes de détresse et scènes de doute, complaisances et complicités, le dénuement et la foi d’espoirs entre deux chaises, Yann Freichels clame un monde qui existe tel, et qu’on oublie trop facilement, le laissant à ses déveines, sans s’y attarder.
Ce que ne fait pas Yann Freichels, puisqu’il dessine et peint ce qu’il ressent au-delà de cette peinture en laquelle il consigne ses ressentis. La détresse est amère et le jaune délavé d’un vêtement, parfois, l’accentue, nonobstant la piètre réalité exprimée : une lampe aux reflets blafards, une bouteille vide, des cannettes éventrées, la désolation de l’espace.
À peine sorti des études, Freichels n’a pas tardé à viser fort. À s’épancher sur la migration, sur la misère. Chaque toile évoque une histoire, qu’il explique dans l’utile catalogue de la manifestation. Il peint aussi des souvenirs, des allusions au temps passé, à l’Histoire du peuple allemand. Il peint ou dessine des traditions. Il en appelle même à l’époque napoléonienne. À l’idéal humaniste dans un monde qui a perdu ses idéaux et, pire, son humanisme.
La densité du dessin, de la ligne, l’explosivité des chromatismes et leur tendance à "blafardiser" la vie sont au cœur de ce compte rendu de la misère personnifiée par des êtres que l’on pressent sans trop d’horizon. C’est fort et tendu. C’est du drame sur toile.
Le bistrot, la rue, la prostitution. Y a-t-il encore une morale, semble se demander l’artiste ? Ses grands dessins ne sont pas moins emplis d’inquiétude et d’effroi. Ils rendent compte d’une vie qui se meurt dans les profondeurs du noir. Il peint des territoires vidés de l’humaine résilience. Il dessine et peint le vide d’une certaine vie… Celle qu’on nous cache et à l’encontre de laquelle nous nous voilons la face.
Yann Freichels Art contemporain Où Espace 251 Nord, 251, rue Vivegnis, 4000 Liège. www.e2n.be Quand Jusqu'au 16 octobre
