Retour à Bruxelles du plus vigneron des artistes français : Jean-Bernard Métais
Publié le 17-02-2022 à 16h44
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L’annonce de l’exposition est, en apparence, sans ambiguïté : "Ivresse, photos". Métais, le sculpteur, serait-il aussi un photographe ? Pas sûr, pas évident, et pourtant !
Cet artiste français, élevé et nourri dans la région du Mans par les bons raisins de la treille est un fin récupérateur de sensations, qui sont aussi des émotions. Chez les Métais, on est vigneron de père en fils depuis plusieurs centaines d’années. Depuis le XVIe siècle, dit-on. Une tare et un bienfait… Jean-Bernard n’a pas vu double mais quasi. Élevé dans le respect du plus gouleyant des jus de biberon, il s’en est fait, comme ses ancêtres, une raison de vivre en pleine nature, sa glorieuse moustache accusant avec superbe les longues veillées de dégustation.
Ce n’est pas tout, l’envie de liberté, de courir les chais sans s’y enivrer, s’est, chez lui, doublée de l’envie d’installer en pleine nature des formes monumentales susceptibles de tutoyer les profondeurs célestes. Vigneron, oui, mais tout autant créateur d’utopies, de formes jugulant et défiant l’espace. Ses monuments se retrouvent jusqu’en Chine !
Des cuves à surprises
Jonglant avec superbe entre ses deux pôles créateurs, Jean-Bernard Métais, vigneron et artiste, vise en tout des sommets. Sommets de précision, de jouissance, de réjouissance partagée. N’est-il pas l’heureux propriétaire d’un vin de Jasnières, vin blanc (passablement orangé) doux légèrement liquoreux, mais aussi blanc sec et rouge translucide, qui, jour de gloire parmi d’autres, se paya le scalp du château Yquem soi-même lors d’une dégustation à l’aveugle au plus haut sommet des experts !
Anecdote sans aucun doute. Néanmoins… Des cuves à vin, des cuves de vin à l’art de créer dans les trois dimensions, il est une faconde qui ne s’invente pas, se cultive comme les meilleurs vins et répand ses arômes en levant les yeux vers le ciel. Haute stature et sourire bonhomme, Métais lève son verre comme il élève ses formes à l’entour. Des formes enchantées qui, de Luxembourg à Xingjian ou ailleurs se lisent dans toutes les langues.
Alors, photographe aussi, le Métais ? À vous de répondre après avoir vu sa grosse vingtaine de grands tirages pigmentaires s’arrondissant de saveurs autour du mètre carré. Il y a cinquante ans que Jean-Bernard Métais photographie ses fonds de cuves comme d’autres s’amourachent de leurs fonds de caisses.
Car ses cuves regorgent de surprises, pourvu qu’on s’y penche dessus avec la ferveur des découvreurs d’indices. Ses photos relèveraient-elles d’un décorum arbitraire ? Eh bien, pas du tout. Métais nous donne à voir ce qu’il a vu, sans retouche ni ajouts chromatiques. Et c’est surprenant.
Des mondes organiques
Ce qu'on voit sur ses clichés ? Tout ce que l'on veut, pourvu que l'on soit attentif aux émergences inattendues. Depuis cinquante ans qu'il scrute, impatient, ses fonds de cuves, il en a vu passer des mondes improbables. Mondes organiques, mondes interstellaires, mondes du dessous, mondes incertains. D'une première photo, en 1976, d'un amas de raisins pouvant faire penser à un Archimboldo sans gros nez ni faciès réjoui, à celles qui, datées 2022, s'intitulent toutes Le cuvier de Jasnières, le voyage est garanti surprenant et chromatiquement variable à souhait. Du rouge pur jus au vert du fer oxydé, la gamme s'inscrit du brun au gris avec la même envie d'y goûter. Anecdotique ? Oui, lorsque nous vous racontons son histoire. Surprenante en tout cas.
Homme multiple
Homme multiple, Jean-Bernard Métais ne s’en tient jamais à une seule corde à son arc. Il vise large et la nature et les plaisirs de la vie lui sont sources intarissables. Vous en reprendrez bien un petit verre ? Pas de cela ici, mais Métais, en orfèvre vacciné aux plaisirs de l’artisan créateur, ne se serait pas satisfait d’une exposition autour de ses seules photos de cuviers au cœur de leur nifé.
Il leur a donc adjoint, ici et là, d’aguichantes formes en verre soufflé recelant, chacune, et leur variété formelle donne le vertige, quelques décilitres de son précieux nectar. Il est même, sur son socle blanc, une boule ronde renfermant en ses entrailles un fond de Jasnières millésimé 1870… et buvable, absolument.
Alchimiste par défaut, Métais n’a pas fini de nous surprendre entre ses chais et sa bonhomie réconfortante. L’art qui s’amuse est un trésor à déguster sans modération.
Jean-Bernard Métais, ivresses Art contemporain Où Galerie La Forest Divonne, 66, rue de l'Hôtel des Monnaies, 1060 Bruxelles. www.galerielaforestdivonne.com et 02.544.16.73 Quand Jusqu'au 19 mars, du mardi au samedi, de 11 à 19 heures.
