"L’homosexualité, crime le plus romantique du XXe siècle"
Au Wiels, première grande exposition du jeune Kasper Bosmans, "conteur fasciné par les fables".
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/dbef88af-a777-4e76-9966-40b1fd6e9729.png)
Publié le 01-03-2022 à 11h08 - Mis à jour le 01-03-2022 à 11h09
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/EEFD7MVRPNDZZHLE5KQEVASRFI.jpg)
Kasper Bosmans, né en 1990 à Lommel, qui vit et travaille entre Bruxelles et Amsterdam, bénéficie d’une exposition solo au Wiels. On peut y découvrir son art d’apparence simple et colorée mais qui est aussi complexe et se déploie en multiples couches qui demandent souvent des explications, car elles renvoient à des fables, des histoires anciennes, à des références nombreuses. « Kasper Bosmans est un grand conteur d’histoires », résume Zoë Gray, commissaire de l’exposition.
Un exemple se trouve au centre de l’expo avec un grand tapis de sable, délicatement déposé sur une estrade et formant le dessin d’une toile d’araignée géante au centre de laquelle le visiteur peut se placer et être capturé. Les références utilisées par l’artiste sont nombreuses: des peuples comme les Tibétains, réalisent des oeuvres sur sable; Lommel, sa ville natale en Campine, possède un parc naturel appelé Sahara avec des dunes. Des pierres précieuses dessinées sur le sable par des dépôts de pigments, rappellent le roman-culte de J.K. Huysmans, A Rebours: confiné totalement dans sa maison remplie d’art, Jean des Esseintes, aristocrate névrosé fait recouvrir une tortue vivante de pierres précieuses afin que la lumière joue sur les couleurs de la carapace, mais la bête meurt sous le poids des pierres.
On peut donc voir dans l’araignée et la tortue, l’image de la beauté qui étoufferait, comme le montre aussi ce grand hérisson dessiné sur un mur, qui amasse des morceaux de fruits sur ses piquants comme le collectionneur accroche les oeuvres qu’il souhaite.

Le beurre
Un autre exemple de cette polysémie se trouve dans une salle sobre, où sont accrochés des tableaux-sculptures minimalistes: des moulages en bronze aux reflets dorés de paquets de beurre forment des carrés entourés de rubans brodés.
Au-delà de la beauté de l’objet, il y a ces références en couches. Kasper Bosmans rappelle comment longtemps les contrebandiers jouaient un jeu du chat et de la souris avec les douaniers à la frontière hollandaise proche de Lommel. Mais le beurre est aussi un lubrifiant sexuel possible et l’artiste fait le lien avec l’homosexualité longtemps combattue par les polices et qu’il qualifie de « crime le plus romantique du XXe siècle». Un discret fil rose, celui de l’homosexualité, parcourt l’exposition par de multiples références qu’on ne voit que si on le veut. Discrètes comme cette infime, quasi invisible, érotisation d’un mur du Wiels, sur lequel il a placé deux rubis roses, brillants, à la place exacte de ses propres mamelons.
Dans une salle, c’est un flux orange qui court sur une sorte d’aqueduc, impression renforcée par les flaques d’eau en cristal, posées tout le long. Sur ce verre sont gravées les figures d’un loup reprises d’une image antique romaine. Une installation comme un labyrinthe exprimant la cohabitation difficile entre le loup et les hommes. Une des couches sémantiques du travail de Bosmans touche au rapport entre nature et culture.

Le lien entre forme et sens peut être très conceptuel comme on le voit avec ces plaques émaillées montrant des séries de points. Chacune est le « portrait » symbolique d’un ami. Il leur a demandé de lui donner des informations sur la passoire qu’ils utilisent dans leur cuisine avec le nombre de trous et les distances entre ceux-ci. Et il reproduit ces trous agrandis.
La passoire étant la métaphore des sélections que nous faisons dans nos vies.
Tout au long, il accroche sa signature: de petits tableaux sur bois, comme des légendes de ses oeuvres, ressemblant à des blasons médiévaux, des pictogrammes ou des images de livres pour enfants. Censés éclairer les oeuvres, elles amènent une dimension ludique et énigmatique supplémentaire.
Kasper Bosmans est représenté par la galerie Gladstone.

---> Kasper Bosmans, Wiels, à Bruxelles, jusqu’au 14 août